Droits humains des femmes, des enfants et des sages-femmes dans les contextes humanitaires
Contexte
Dans les contextes humanitaires et fragiles, notamment de guerres et de conflits, de catastrophes climatiques et de situations d’urgence complexes, les violations des droits humains sont plus fréquentes et touchent de manière disproportionnée les groupes marginalisés et vulnérables. Les femmes et les enfants risquent davantage d’être déplacés, de souffrir de privations et d’être exposés à des risques de blessures et de maladies. Dans le même temps, il est plus probable que leur accès aux services de santé, notamment de santé sexuelle, reproductive, maternelle, du nouveau-né et de l’adolescent (SSRMNA), soit restreint ou refusé.
La disparition d’espaces sûrs expose davantage les femmes et les enfants à la violence et aux abus sexuels. Dans les situations de conflit, la violence sexuelle reste répandue et est souvent systématique, en raison des déplacements, de la montée des inégalités, de l’effondrement de l’ordre public et de la réduction de l’espace civique, mais elle est aussi trop souvent utilisée comme un outil d’oppression et une arme de guerre. La violence sexuelle dans les contextes humanitaires peut prendre diverses formes : enlèvements, agressions, viols, mariages précoces et forcés, traite des êtres humains, stérilisation forcée, etc. Les survivantes sont confrontées à des conséquences à long terme, notamment des traumatismes, des grossesses non désirées, des infections sexuellement transmissibles et la stigmatisation sociale (1, 2). Les personnes déplacées ont souvent du mal à satisfaire leurs besoins essentiels, notamment en raison d’ un accès limité à l’eau potable, aux installations sanitaires et aux produits d’hygiène menstruelle, et la promiscuité dans les abris et les camps fait qu’il est difficile de s’isoler pour gérer la menstruation. De plus, les tabous culturels entourant la menstruation peuvent conduire à des sentiments de honte, à l’isolement et à la difficulté de chercher de l’aide pour les problèmes s’y rapportant. De nombreuses filles manquent d’informations sur la menstruation, ce qui peut accroître leur anxiété et les amener à manquer l’école.
En raison des déplacements, des dangers et de la disparition des infrastructures, les femmes enceintes ne bénéficient plus de la continuité des soins assurée par une sage-femme et accouchent souvent dans des conditions dangereuses. Les sages-femmes jouent un rôle essentiel dans la protection des droits des femmes et des enfants à la suite de catastrophes et dans les situations de conflit en fournissant des soins respectueux, en planifiant la préparation et en prévenant la rupture des services.
Selon l’OMS (3), environ 50 % des décès de mères, de nouveau-nés et d’enfants surviennent actuellement dans des contextes humanitaires, et les enfants qui survivent sont souvent incapables de s’épanouir et sont même victimes de négligence et de mauvais traitements. De nombreuses sages-femmes sont personnellement touchées par les urgences humanitaires. Elles peuvent elles aussi être déplacées, blessées ou tuées dans des situations de conflit ou lors de catastrophes naturelles et perdre des membres de leur famille. Elles peuvent subir des violences sexuelles et travaillent souvent dans des situations dangereuses.
Position
L’ICM estime que les droits humains des femmes, des enfants et des sages-femmes doivent être protégés en toutes circonstances et appelle à un investissement accru dans la protection de la santé et de la sécurité des femmes et des enfants pris dans des crises humanitaires et qui subissent de telles crises. L’ICM condamne catégoriquement tout acte de violence et les conflits.
L’ICM encourage:
- Les efforts des organisations internationales qui cherchent à résoudre les conflits, à imposer la paix et qui fournissent un soutien et une assistance humanitaire aux femmes, aux enfants et aux communautés dans un contexte humanitaire,
- Le travail des sages-femmes qui, dans les circonstances les plus ardues, souvent de conflits, de déplacements et de danger, continuent à fournir des soins de SSRMNA aux femmes et aux nouveau-nés.
L’ICM condamne les actes suivants :
- Faire des infrastructures de soins de santé, y compris des hôpitaux, des cliniques, des ambulances, des fournitures et équipements médicaux, des cibles militaires,
- Restreindre les déplacements et la mobilité du personnel de santé, les empêchant d’exercer leurs fonctions, ou les prendre pour cible, quelle qu’en soit la raison,
- Utiliser du matériel de guerre qui peut avoir des répercussions à long terme sur la population ainsi que sur la SSRMNA comme les mines antipersonnel, les armes chimiques et le phosphore blanc
- Attaquer les civils et les infrastructures civiles et entraver leur l’accès à la nourriture et à l’eau,
- Faire obstruction à l’aide humanitaire et à la fourniture de nourriture, de médicaments et de biens et services vitaux,
- Les chefs militaires qui ne respectent pas les droits humains des femmes et des enfants et plus particulièrement ceux dont les forces armées maltraitent physiquement les femmes et les enfants et leur font subir des sévices sexuels,
- Le viol et la violence sexuelle en général et en tant qu’armes de guerre,
- L’enrôlement des femmes dans le service militaire actif lorsque cela les oblige à arrêter leur lactation,
- Tout travailleur de la santé ou organisation de santé qui s’entend avec ceux qui peuvent faire du tort à toute personne,
L’ICM soutiendra les associations membres dans les pays connaissant des situations d’urgence humanitaire, en les mettant si possible en contact avec des ressources et un soutien en fonction des besoins des associations et des sages-femmes sur le terrain
Recommandations
Les associations membres sont encouragées à soutenir les initiatives de paix et à défendre la SSRMNA en collaborant avec les gouvernements, afin de veiller à ce que les besoins en la matière soient satisfaits dans les contextes humanitaires et de limiter le plus possible la perte de continuité des soins dans les situations de conflit, de catastrophe climatique et naturelle ou d’urgences complexes.
Les associations membres doivent travailler avec les sages-femmes, les chefs de file des groupes sectoriels et le gouvernement pour mettre en œuvre le Dispositif minimum d’urgence (DMU) pour la santé reproductive dans les situations de crise dans leurs contextes respectifs (4). Le DMU est un document humanitaire standard qui décrit les éléments de santé reproductive les plus importants pour prévenir les décès et les invalidités dans les contextes humanitaires. Il jette également les bases de la prestation de services de santé reproductive complets qui devraient être mis en place dès que la situation est stable.
Les sages-femmes et les associations membres doivent plaider pour être incluses dans la réponse humanitaire ainsi que dans la préparation et la planification des urgences en tant que partie intégrante de l’infrastructure sanitaire. Lorsque cela n’est pas possible, les associations de sages-femmes peuvent envisager de planifier leur propre réponse.
Les principes humanitaires fondamentaux (5), notamment l’humanité, l’impartialité, la neutralité, l’indépendance, le volontariat, l’unité et l’universalité, doivent être appliqués dans tous les contextes humanitaires.
Documents apparentés de l’ICM
Autres documents pertinents
- 2015. The Fundamental Principles of the International Red Cross and Red Crescent Movement. ICRC
- Conflict-related sexual violence: Rapport du Secrétaire général (S/2022/272) [EN/AR/RU/ZH]
- G8. 2013. Declaration on preventing sexual violence in conflict. 2013 http://stoprapenow.org/uploads/docs/Formal%20Remarks%20by%20SRSG%20Bangu ra%20-%20Lancaster%20House%2020130411doc.pdf
- Convention de Genève (IV) relative à la protection des civils en temps de guerre. Genève, Suisse : 12 août 1949.
- ICC. 2002. Statut de Rome de la Cour pénale internationale. NU. 1987. Convention contre la torture des Nations Unies, Article 10. Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Genève, Suisse.
- NU. 2012. Fonds d’affectation spéciale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes 2012. Rapport annuel.
- UNICEF. 2021-2030 Child Protection Strategy
Références
- NU 2022, Violences sexuelles liées aux conflits : Rapport du Secrétaire général.
- 2023, Save The Children, Child Rights Resource Centre. Confédération internationale des sages-femmes. Intervenir de manière appropriée au cours de l’accouchement. Site web de l’ICM 2011.
- OMS, (2010). Children in Humanitarian Settings
- IAWG. 2018. Inter-Agency Field Manual on Reproductive Health in humanitarian Settings. Disponible ici : https://iawgfieldmanual.com/
- The Fundamental Principles of the International Red Cross and Red Crescent Movement.
Adopté à la réunion du Conseil de Glasgow, 2008
Révisé et adopté à la réunion du Conseil de Prague, 2014
Révisé et adopté à la réunion du Conseil virtuelle, 2024
Prochaine révision prévue en 2027