Les catalyseurs d’un leadership fort dans le domaine de la pratique sage-femme : Une enquête internationale appréciative – partie 2 

Par la Dre Sally Pezaro 

L’Organisation mondiale de la Santé a une vision audacieuse : renforcer les capacités des responsables de la santé et de l’enseignement dans le monde entier. La consolidation du leadership des sages-femmes est une pièce essentielle de ce puzzle qui pourrait réduire considérablement les décès évitables et les complications liées à la maternité. Des soins de haute qualité dispensés par des sages-femmes peuvent améliorer considérablement les résultats périnataux dans le monde entier. Pourtant, malgré son potentiel, l’investissement dans le leadership des sages-femmes reste faible. Un leadership fort dans le domaine des soins de santé se traduit par un personnel plus heureux et plus satisfait et favorise une culture de la sécurité. Inversement, un faible leadership dans la profession de sage-femme a été associé à une série de résultats négatifs. Compte tenu de ce constat, une équipe de recherche internationale dirigée par des sages-femmes a mené une enquête appréciative mondiale au cours de laquelle elle a identifié les 10 caractéristiques suivantes d’une sage-femme leader forte : 

1. Médiation 
2. Dévouement dans la profession 
3. Pratique fondée sur des données probantes 
4. Prise de décision efficace 
5. Rôle de modèle 
6. Plaidoyer 
7. Vision 
8. Résilience 
9. Empathie 
10. Compassion 

Cette enquête appréciative a également permis d’identifier les catalyseurs d’un leadership solide de la pratique sage-femme du point de vue des sages-femmes elles-mêmes. 211 sages-femmes et 218 infirmières sages-femmes originaires de 76 pays, principalement du Royaume-Uni, d’Australie, des États-Unis d’Amérique, du Canada, d’Ouganda, d’Arabie Saoudite, de Tanzanie, du Rwanda, d’Inde et du Kenya, ont partagé leurs points de vue. Les résultats mettent en évidence sept moyens tangibles de favoriser un leadership fort de la pratique sage-femme d’un point de vue mondial. 

Identité professionnelle claire : Bien qu’une identité professionnelle claire soit considérée comme essentielle pour permettre un leadership fort de la pratique sage-femme, les avis divergent parmi les sages-femmes. Certains ont jugé nécessaire la séparation complète de la profession d’infirmier, tandis que d’autres ont plaidé en faveur d’une égalité de statut au sein de la profession d’infirmier. Toutefois, un appel fort a été lancé en faveur de l’autonomisation des leaders à tous les niveaux. 

Valeur sociétale accrue accordée à la pratique sage-femme : les sages-femmes participantes ont imaginé un monde où la société, les gouvernements et les systèmes de soins de santé reconnaissent l’immense valeur apportée par la pratique sage-femme. Elles ont affirmé que cette reconnaissance libérerait le potentiel d’un leadership fort en matière de pratique sage-femme pour prospérer et s’inscrire dans la durée à l’échelle mondiale. Cette valeur sociétale peut être atteinte par l’instanciation publique des sages-femmes et le démantèlement du patriarcat. 

Recherche continue : Les participants ont souligné l’importance de la recherche pour renforcer le leadership des sages-femmes. Les participants ont appelé à la création de centres de recherche spécialisés dans le travail des sages-femmes et ont encouragé les sages-femmes elles-mêmes à mener activement et à partager les résultats de leurs recherches à l’échelle mondiale. Ils estiment que cette orientation vers la recherche renforcera non seulement la position de leader des sages-femmes, mais aussi la valeur sociétale globale accordée à la profession. Comme l’a dit un participant, « encourager l’innovation et améliorer les pratiques fondées sur des données probantes contribuera à rehausser le profil de la pratique sage-femme ». 

Développement professionnel en matière de leadership : Des possibilités de développement continu peuvent favoriser l’émergence d’un leadership fort au sein de la profession. Les participants ont souligné la nécessité d’une formation spécialisée en leadership pour doter les sages-femmes des compétences nécessaires. Les bourses d’études sont également envisagées comme un moyen de rendre cette formation plus accessible. Une participante a suggéré d’intégrer les compétences en leadership et en gestion plus directement dans les programmes universitaires de formation en pratique sage-femme. 

Collaboration interprofessionnelle : Il sera important d’établir des collaborations pour renforcer le leadership des sages-femmes. Les participants ont souligné la nécessité de partenariats stratégiques, à la fois au sein de la profession de sage-femme et à travers les disciplines de soins de santé. Le travail en collaboration est perçu comme un facteur de changement significatif et durable. Tous les professionnels de la santé ont également été invités à travailler ensemble pour améliorer la santé et le bien-être des familles dans le monde entier. 

Planification de la succession : Les participants ont souligné l’importance de planifier l’avenir du leadership de la pratique sage-femme. Le besoin de planification de la relève et de parcours pour les sages-femmes est évident pour leur permettre l’accès à des postes de direction. La formation des futurs dirigeants de la profession de sage-femme doit être au centre des priorités, même si des problèmes peuvent survenir lorsque les leaders se retirent avant que leurs initiatives ne s’enracinent. Pour les participants, la création de voies d’accès claires à des fonctions de leadership permettrait de résoudre ce problème et de maintenir un leadership fort. 

L’auto-efficacité : De nombreuses sages-femmes ont le potentiel pour devenir des leaders solides, cependant elles manquent parfois de confiance en elles pour assumer ces rôles. Une sage-femme leader forte n’a pas nécessairement besoin d’occuper un poste de direction, mais certaines personnes occupant ces postes se contentent d’accepter la situation actuelle sans réfléchir à la manière de l’améliorer. Les sages-femmes peuvent s’exprimer avec autorité et agir en tant que leaders, même sans titre officiel. Il est également important que les sages-femmes reconnaissent leur valeur. Pour pouvoir progresser, les sages-femmes doivent se valoriser elles-mêmes et se valoriser les unes les autres.    

Bien entendu, tous les leaders en pratique sage-femme seront influencés par leur contexte et quelque peu limités par les systèmes et les hiérarchies dans lesquels ils travaillent. Le manque de structures formelles pour la formation au leadership constitue un défi pour le développement et la mise en place d’un leadership fort dans le domaine de la pratique sage-femme. Nous avons besoin de voies claires pour permettre de développer les compétences et l’expérience dont les sages-femmes ont besoin pour devenir des leaders efficaces. Il peut s’agir de programmes de troisième cycle, de mentorat ou de rôles de direction au sein d’organismes de soins de santé.  

Les cloisonnements professionnels constituent un autre obstacle. Des leaders solides doivent collaborer de manière efficace entre les différentes disciplines. La création d’une culture du travail d’équipe et de la collaboration en vue d’atteindre des objectifs communs sera nécessaire pour remédier au cloisonnement des modes de pensée. 

Enfin, la planification de la relève est cruciale. Un leadership fort est plus durable lorsqu’il existe une voie claire pour l’émergence de futurs leaders. 

Les sages-femmes n’ont pas besoin d’attendre une promotion pour faire la différence. Les caractéristiques d’un leadership fort en pratique sage-femme identifiées dans cette recherche peuvent être mises en pratique par toutes les sages-femmes. En incarnant ces qualités et en plaidant pour votre vision, vous pouvez devenir un leader fort et inspirer les autres à en faire autant. 

Cependant, il est important de se rappeler que la popularité n’est pas toujours synonyme d’efficacité. Les leaders qui donnent la priorité à ce qui est apprécié plutôt qu’à ce qui est réellement bénéfique peuvent prendre de mauvaises décisions. Parallèlement, même si les sages-femmes désirent certains traits de caractère des leaders, ces désirs peuvent être influencés par des actions allant à l’encontre de ces valeurs. Par exemple, quelqu’un peut suivre un leader en manque d’intégrité simplement pour poursuivre ses objectifs personnels. 

En fin de compte, nos dirigeants sont le reflet de nos choix. En tant que profession, les sages-femmes ont le pouvoir de choisir des leaders qui démontrent les caractéristiques auxquelles ils aspirent (plutôt que ceux qui dirigent par l’intimidation ou des styles dictatoriaux, par exemple). Alors, la priorité est maintenant de favoriser le « bon » type de sages-femmes leaders fortes, de leur fournir les compétences et les ressources nécessaires, et de favoriser un environnement réparateur et compatissant dans lequel toutes les sages-femmes peuvent s’épanouir. Ce faisant, les sages-femmes peuvent libérer leur plein potentiel en matière de leadership dans le monde entier. Le meilleur reste à venir.