Sages-femmes et infirmières sages-femmes : Une question d’identité professionnelle 

La différence entre la pratique sage-femme et les soins infirmiers 

Les sociétés ne comprennent pas toujours ce que font les sages-femmes ni l’importance qu’elles revêtent. Cela s’explique en partie par le fait que la pratique sage-femme est parfois confondue avec les soins infirmiers, bien qu’il s’agisse de professions distinctes avec des compétences et une formation différente. Par exemple, même si les infirmières comme les sages-femmes jouent un rôle essentiel dans la promotion de la santé et la prévention des maladies, la pratique sage-femme s’aligne sur un modèle holistique de soins dans le contexte de la procréation (un événement physiologique), de la santé sexuelle et reproductive, tandis que les soins infirmiers intègrent divers modèles se rapportant principalement à la maladie. Le titre professionnel d’« infirmière sage-femme » suggère une dualité de rôles, avec une grande variété de formations et de responsabilités confiées aux sages-femmes dans le monde entier. Cette dualité repose en grande partie sur les besoins spécifiques des pays en matière de profil démographique et sur les processus réglementaires. 

Par exemple, dans certains pays, il faut être infirmière avant de devenir sage-femme, alors que dans d’autres, une personne peut suivre une formation de sage-femme dès le départ. De plus, en fonction de la localité, les sages-femmes et les infirmières sages-femmes ont une capacité différente à dispenser les composantes des compétences essentielles pour sauver des vies. 

La pratique sage-femme, l’espace public et la culture 

En reliant les individus à des personnages et à des événements importants, les statues et les monuments publics servent également de rappels historiques pour les identités professionnelles. Cela leur donne le sentiment de faire partie d’une histoire commune et d’une communauté professionnelle plus large, ce qui renforce leur sentiment d’appartenance et leur identité professionnelle. 

Actuellement, dans les espaces publics et la culture, les représentations de la pratique sage-femme sont rares et principalement tirées de la fiction ou des médias dramatisés. Pensez à la popularité de la série « SOS sages-femmes » ou du roman « Sage-femme » de Chris Bohalian. 

Les soins infirmiers représentés dans l’espace public et la culture sont plus répandus et connus pour des personnages historiques respectés tels que Florence Nightingale, parfois considérés à tort comme des sages-femmes. La professionnalisation officielle des soins infirmiers, reconnue plus tôt et fortement influencée par les structures de la classe et de la culture victoriennes est l’un des principaux facteurs de différenciation. Cela contraste fortement avec la pratique sage-femme, qui ne se réclame d’aucune figure historique unificatrice. 

La pratique sage-femme est sans doute la plus ancienne profession du monde. Nous nous félicitons donc de sa reconnaissance publique au patrimoine mondial de l’humanité en 2023. 

Nous savons que les sages-femmes doivent travailler dans un système de soutien pour parvenir à réduire la mortalité périnatale évitable dans le monde entier. Nous savons également que l’identité professionnelle est importante en termes de capacité à recruter et à retenir les professionnels, en augmentant le nombre de sages-femmes nécessaires pour avoir un impact positif sur l’éventail des soins de santé reproductive à long terme. Compte tenu de ces facteurs, il est essentiel de comprendre l’identité professionnelle des sages-femmes et des infirmières sages-femmes et la manière dont les sociétés, les artistes et les systèmes de santé peuvent mieux reconnaître leur expertise. Cela pourrait entraîner une meilleure prise en charge périnatale, un plus grand nombre de sages-femmes entrant et restant dans la profession, un plus grand soutien du public et des sages-femmes plus satisfaites de leur travail. 

Comment a été menée la recherche ? 

Ce projet a été mené par l’équipe du programme « Midwives in Focus », une initiative visant à rehausser le profil des sages-femmes et de la pratique sage-femme dans ce contexte. La collecte des données a été réalisée à travers une enquête en ligne avec des questions sur l’identité professionnelle et des questions ouvertes sur la façon dont les sages-femmes devraient être représentées dans le domaine public. 

Qu’a-t-elle mis en avant ? 

• Les infirmières sages-femmes ont un sentiment d’identité professionnelle plus fort que les sages-femmes. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les soins infirmiers ont été privilégiés par rapport à la pratique sage-femme en raison de l’intégration des infirmières dans le modèle médical où les hiérarchies professionnelles reflètent et renforcent souvent les stéréotypes et les structures de pouvoir fondés sur le genre. 
• Les sages-femmes sont fières et passionnées par leur travail, mais elles affrontent aussi des difficultés pour se sentir bien dans leur profession. Les difficultés sont notamment liées au manque de reconnaissance et de respect de la part des autres professionnels de la santé et du public. 
• Une identité professionnelle réduite et la confusion entre la pratique sage-femme et les soins infirmiers ont été négativement associées au recrutement et à la rétention des sages-femmes. Certaines ne voulaient pas exercer en tant qu’infirmières mais n’avaient pas le choix si elles voulaient exercer la pratique sage-femme dans certains contextes. 
•  De nombreux participants ont estimé que le fait de séparer la pratique sage-femme des soins infirmiers améliorerait leur identité professionnelle. Cela permettrait de clarifier leurs rôles et compétences respectifs. 
• En lien avec les expressions de service et de sacrifice, certains participants ont fait preuve d’une identité professionnelle trop forte (plutôt que saine). Cette situation est préoccupante, car elle peut provoquer un travail d’équipe médiocre, des incivilités et des intimidations. Les idées rigides sur l’identité professionnelle peuvent également empêcher les innovations et les améliorations dans les soins de santé. 
• Certaines participantes ont trouvé leur motivation pour la pratique sage-femme dans la foi et la décrivent parfois comme une « vocation ». Les images historiques et contemporaines des infirmières et des sages-femmes, marquées par des figures angéliques et héroïques, fortement influencées par la religiosité, peuvent féminiser et amoindrir l’expertise du personnel de manière inquiétante. 
• Les sages-femmes souhaitaient voir leur profession représentée dans le domaine public par des images et des symboles, telles que des statues. Cela pourrait contribuer à mieux faire connaître et apprécier le travail des sages-femmes, ainsi qu’à renforcer leur identité professionnelle 
• De nombreuses participantes ont suggéré de représenter la pratique sage-femme et l’accouchement ensemble par une approche artistique, mais cela était quelque peu en contradiction avec le désir d’autres participantes d’être respectées dans des domaines de pratique en dehors de la pratique clinique (par exemple, la recherche). Cela suggère une tension entre la célébration de « l’art et la science » de la pratique sage-femme. 
• Des images très genrées ont été suggérées par les participants pour représenter les sages-femmes (par exemple, des femmes avec des femmes). Cela n’est pas surprenant dans la mesure où la construction de l’identité professionnelle est façonnée par les stéréotypes sociétaux liés au genre. Mais cela peut aussi retarder les progrès vers la justice reproductive et l’amélioration des résultats périnatals, là où les normes oppressives prévalent 

Pourquoi l’identité professionnelle est-elle importante pour les sages-femmes ? 

Cette étude souligne l’importance de l’identité professionnelle pour les sages-femmes. Lorsqu’elles se sentent bien dans leur travail et sont reconnues pour leurs compétences et leur identité professionnelle, cela peut entraîner : 

• Une amélioration des soins périnatals 
• Un plus grand nombre de sages-femmes 
• Une amélioration de la satisfaction professionnelle 
• Une diminution de l’épuisement professionnel 

Comment renforcer l’identité professionnelle des sages-femmes ? 

Recommandations de l’équipe de recherche aux responsables du changement : 

• Séparer la pratique sage-femme des soins infirmiers afin de clarifier son rôle unique (par ex. dans les programmes d’enseignement, l’avancement de carrière et les titres de poste) 
•  Lancer et soutenir activement des initiatives mettant à l’honneur la pratique sage-femme et les sages-femmes dans les espaces publics et culturels (par exemple, à travers des monuments, des noms de rue, de la littérature). 
• Célébrer les leaders actuels et historiques de la pratique sage-femme en organisant des événements publics et culturels et des projets étudiants. 
• Enregistrer et promouvoir l’histoire de la pratique sage-femme et des sages-femmes dans votre pays ou région, y compris par le biais de plates-formes Internet publiques telles que Wikipédia et de revues professionnelles. 
• Établir des partenariats avec des institutions culturelles pour créer des événements célébrant la pratique sage-femme. 
• Favoriser la collaboration et le respect entre les sages-femmes et les autres professionnels de la santé 
• Aligner l’identité professionnelle des sages-femmes sur l’excellence en matière de soins périnatals et de justice reproductive 
• Démontrer la diversité des rôles disponibles pour les sages-femmes (par ex. dans les domaines de la recherche, de l’éducation, de la politique et du leadership) 
• Veiller à ce que la représentation des sages-femmes dans les espaces publics et culturels tienne compte des expériences vécues par les sages-femmes et les communautés qu’elles servent, tout en équilibrant l’art et la science de la pratique sage-femme et en évitant les stéréotypes. 

Un nouveau projet, FindTheMidwife.com, se penche sur les traditions et l’histoire de la pratique sage-femme du point de vue des sages-femmes et de la recherche, réexaminant l’importance d’une profession vieille de plusieurs siècles et sa nécessité dans le monde moderne. 

Qu’en pensez-vous ? L’équipe de recherche aimerait savoir comment cette recherche fait la différence dans votre région.