Environnement favorable, Modèle de soins

Retour sur l’évolution de la pratique sage-femme en Afrique anglophone avec la Dre Jemima A. Dennis-Antwi

ICM
3 août 2022

Biographie : Dre Jemima Dennis-Antwi est une infirmière sage-femme ghanéenne polyvalente, experte en promotion de la santé et en communication, infirmière et sage-femme avec plus de 33 ans d’expérience cumulée au niveau local et international. Elle a dirigé plusieurs programmes de santé collaboratifs dans le service public, de travail de développement et de consultations indépendantes dans le domaine de la santé maternelle et néonatale/sage-femme, des soins infirmiers, de renforcement des systèmes de santé, de l’administration des systèmes de santé et de la recherche. Elle a également occupé divers rôles de consultante de haut niveau dans ce domaine, dont 11 ans de travail avec l’ICM (5 ans en tant que membre du personnel et 6 ans [2 mandats] en tant que membre du conseil d’administration de l’ICM représentant l’Afrique anglophone).

La Dre Dennis-Antwi a notamment participé à un programme transcontinental (Afrique, Asie, Amérique latine et Caraïbes) de pratique sage-femme, fruit d’une collaboration entre la Confédération internationale des sages-femmes (ICM) et l’UNFPA. Elle a été conseillère régionale en pratique sage-femme pour l’Afrique anglophone (2009-2013) et était chargée de fournir une supervision technique à 10 pays africains (Éthiopie, Ghana, Liberia, Malawi, Nigeria, Sierra Leone, Soudan, Sud-Soudan, Ouganda, Zambie) et à la Guyane en matière de renforcement de la pratique sage-femme.

 

La Dre Jemima Dennis Antwi a acquis sa première qualification de sage-femme en 1988. Au fil des ans, elle a travaillé avec le secteur de la santé du Ghana et avec des partenaires de développement locaux et internationaux. Mais ce n’est que lorsqu’elle a été nommée première conseillère technique régionale pour l’Afrique anglophone de la Confédération internationale des sages-femmes (ICM), en 2009, qu’elle considère que sa remarquable carrière dans le renforcement du système mondial de la pratique sage-femme s’est véritablement concentrée et intensifiée.

En 5 ans, alors que la Dre Dennis Antwi occupait ce poste pour l’ICM et le programme Investing in Midwifery de l’UNFPA, elle a contribué de manière significative au plaidoyer en faveur de la pratique sage-femme en tant que profession indépendante et distincte de celle des soins infirmier, mais avec un statut complémentaire symbiotique ; elle a amélioré les systèmes d’éducation, de réglementation, d’association, de politique et de pratique sage-femme dans 10 pays africains, dont l’Éthiopie, le Ghana, le Liberia, le Malawi, le Nigeria, la Sierra Leone, le Soudan, le Sud-Soudan, l’Ouganda et la Zambie. Ce travail lui a également permis de partager des expériences régionales avec d’autres pays d’Asie et d’Amérique latine, ainsi que dans le cadre d’initiatives de collaboration mondiale. Ces contributions se sont même poursuivies pendant ses 6 années de service au sein du conseil d’administration de l’ICM. 

Selon la Dre Dennis Antwi, la profession de sage-femme au début des années 2000 était « en voie d’extinction, car peu de personnes s’intéressaient à la pratique de la profession et la plupart des sages-femmes en exercice étaient proches de la retraite ». L’avènement des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), avec l’attention particulière portée aux taux de mortalité maternelle très élevés dans de nombreux pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, a servi d’impulsion à la mise en œuvre du programme ICM/UNFPA Investing in Midwifery qui a débuté en 2009.

Les programmes d’enseignement de la pratique sage-femme se situaient alors généralement en deçà des normes mondiales de l’ICM, car la profession était présentée comme un programme d’enseignement post-infirmier qui exigeait que les étudiants suivent d’abord une formation d’infirmier. La profession de sage-femme était un appendice des soins infirmiers et ne bénéficiait pas de la même reconnaissance. La formation des sages-femmes était davantage reconnue comme une voie de promotion que comme une profession indépendante. 

De plus, les normes mondiales de l’ICM pour la formation et la réglementation de la pratique sage-femme étaient largement inconnues à l’époque. Par conséquent, de nombreux programmes de formation de sages-femmes post-infirmières ne répondaient pas aux critères des normes mondiales de la période de formation de 18 mois.

« Il y avait également des défis autour des qualifications des facultés enseignant la pratique sage-femme dans les établissements de formation et de leur faible niveau de qualification pour assumer de telles fonctions », a déclaré la Dre Jemimi Dennis Antwi. « Dans de nombreux pays, le corps professoral des sages-femmes était très insuffisant et il n’existait pas d’institutions locales formelles pour former des tuteurs. En outre, de nombreux pays disposaient de laboratoires de compétences cliniques mal équipés pour l’apprentissage des étudiants. Le développement des compétences à l’école et sur les sites cliniques s’en trouvait ainsi compromis. »

Grâce au programme Investing in Midwifery de l’ICM/UNFPA, la Dre Dennis-Antwi et ses collègues (Dre Abigail Kyei, Rachel Ibinga-Koula, Geeta Lal et Pashtoon Azfar) ont travaillé avec les sages-femmes-conseils dans les pays dans les bureaux locaux de l’UNFPA et les acteurs des ministères de la Santé et leurs collaborateurs dans les pays choisis pour lancer une série d’activités visant à renforcer la profession de sage-femme au fil des ans. Ces activités s’appuient sur les évaluations des besoins des pays, les plans stratégiques spécifiques aux pays et les politiques locales et mondiales, notamment les normes mondiales de l’ICM. Tous les pays se trouvaient à un niveau de développement différent au début du programme, et tous avaient des contextes politiques et sociaux spécifiques à prendre en compte dans le cadre du processus de mise en œuvre afin d’en assurer la pertinence.

« Il était nécessaire d’évaluer les forces, les faiblesses, les possibilités et les menaces (FFPM ou SWOT en anglais) de chaque programme », a déclaré la Dre Dennis-Antwi. « Nous avons donc évalué l’éducation, la réglementation et l’association en utilisant les outils et les normes mondiales de l’ICM qui étaient en place à l’époque. Grâce à ces évaluations, nous avons pu élaborer les plans stratégiques, puis les plans annuels correspondants. »

Grâce à ces plans, l’équipe a finalement observé des améliorations progressives et remarquables dans la formation, la réglementation et l’association des sages-femmes dans la région. Les pays ont examiné leur programme d’enseignement en tenant compte des normes réglementaires de l’ICM en matière d’éducation ; les membres du corps enseignant de la formation de sage-femme ont poursuivi des études supérieures pour mieux servir les étudiants sages-femmes ; les pays ont accepté et mis en œuvre les compétences essentielles de l’ICM pour la pratique sage-femme ; les établissements d’enseignement ont commencé à équiper leurs laboratoires cliniques de bibliothèques bien fournies pour l’apprentissage des compétences de sage-femme, avec le soutien de divers partenaires de développement, notamment l’UNFPA ; la norme de réglementation de l’ICM a joué un rôle déterminant en aidant les pays à revoir et à mettre à jour leurs cadres juridiques réglementaires obsolètes afin de refléter les dispositions des normes mondiales de l’ICM. En 2013, les systèmes de pratique sage-femme de plus de 40 pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine avaient été touchés par le programme Investing in Midwifery de l’ICM/UNFPA avec des résultats positifs.

L’une des réalisations dont la Dre Dennis Antwi est la plus fière, cependant, est d’avoir vu des progrès dans la reconnaissance de l’importance des programmes de formation de sages-femmes à accès direct.

« De nombreux pays n’avaient pas d’entrée directe pour les sages-femmes (au début du programme Investing in Midwifery) et n’avaient que des infirmiers-sages-femmes. Des efforts continus et soutenus de plaidoyer de haut niveau ont conduit à la reconnaissance progressive de la pratique sage-femme en tant que profession indépendante de celle d’infirmier. Certains pays, comme l’Éthiopie et le Ghana, ont adopté les programmes d’accès direct à la profession de sage-femme. D’autres pays ont mis en place des modalités permettant aux infirmiers-sages-femmes qui exerçaient depuis de nombreuses années en tant que sages-femmes d’être reconnus comme des SAGE-FEMMES. Le programme a développé des alliances avec des organismes mondiaux et régionaux tels que le West Africa College of Nursing (WACN) et l’East, Central and Southern Africa College of Nursing (ECSACON) afin d’introduire davantage les normes et de favoriser une meilleure compréhension de la nécessité de renforcer le système des sages-femmes dans leurs pays respectifs et de soutenir l’intégration des politiques et des directives de l’ICM. C’est un programme important que nous avons pu créer. »

Aujourd’hui encore, la Dre Dennis-Antwi continue de travailler avec des pays d’Afrique, et c’est avec humilité et fierté qu’elle constate l’impact exponentiel et cumulatif et le succès continu de ces actions stratégiques lancées dans le passé. Toutefois, elle reconnaît également qu’il reste du travail à faire dans le cadre d’un processus évolutif pour que la pratique sage-femme atteigne les normes les plus élevées en Afrique. En particulier, elle pense que l’avenir est plus prometteur pour le leadership des sages-femmes, car de nombreux pays ont désormais introduit l’enseignement supérieur dans ce domaine, jusqu’au doctorat et aux spécialisations postuniversitaires. Des filières de carrière à accès direct pour les sages-femmes sont introduites dans le secteur de la santé dans les pays afin de créer une trajectoire de progression indépendante. C’est effectivement une bonne nouvelle.

« Le leadership est très important dans la pratique sage-femme si nous voulons en faire une profession incontournable au niveau de la prise de décision. Il est essentiel que quelqu’un parle au nom des sages-femmes et de la pratique sage-femme, car la santé maternelle et néonatale reste un moteur très important pour la santé d’une nation. L’Organisation mondiale de la santé (OMS), en collaboration avec l’ICM, l’UNFPA et l’UNICEF, mène actuellement un travail considérable pour renforcer le leadership des sages-femmes. Mais le leadership englobe la réglementation de l’éducation, l’association et le plaidoyer. Ce n’est que lorsque tous ces aspects seront améliorés que les responsables des sages-femmes pourront commencer à redorer l’image de la pratique sage-femme et à encourager les jeunes sages-femmes à la considérer comme une profession viable pour l’avenir. »

Aujourd’hui, la Dre Dennis Antwi poursuit son travail de renforcement de la pratique sage-femme dans le monde avec des partenaires clés de l’ICM, notamment l’OMS et la White Ribbon Alliance (WRA). Elle espère que les 100 prochaines années de l’ICM comprendront des innovations pour mobiliser davantage le travail de ces organisations partenaires parmi les associations membres de l’ICM. Son travail avec la WRA en tant qu’affiliée au Ghana de l’organisation a permis à l’enquête mondiale Midwives’ Voices, Midwives’ Demands d’obtenir plus de 10 000 réponses de sages-femmes ghanéennes. 

« Comment faire en sorte que ces voix soient entendues au-delà d’une simple enquête et les faire bouger vers un programme mondial ? » a déclaré la Dre Dennis Antwi. « Comment pouvons-nous traduire cet effort pour les membres mondiaux de l’ICM ? Avec l’OMS, je contribue actuellement à la mise en œuvre du cadre de l’OMS pour la formation des sages-femmes dans 5 pays. Dans ce contexte, ma question est la suivante : comment l’ICM peut-elle rallier ses membres et ses partenaires pour faire avancer cet agenda de manière critique, en tant que force cohésive et influente ? »

Alors que l’ICM se joint à la Dre Dennis-Antwi et à nos associations membres pour se tourner vers les nombreuses années de progrès à venir, nous sommes reconnaissants envers les puissants défenseurs comme la Dre Jemima Dennis-Antwi et les partenaires solides comme l’UNFPA, l’OMS et la WRA, avec le soutien desquels nous pouvons continuer à renforcer la pratique sage-femme au niveau mondial et avec lesquels nous pouvons réfléchir et célébrer nos progrès collectifs jusqu’à présent.