Déclaration

Violences obstétricales, mauvais traitements et violences infligés aux femmes dans les services de santé procréative 

Droits de l’homme, Soins de maternité respectueux
ICM
Dernière édition 27 novembre 2024 17:25 CET

Les violences obstétricales pendant l’accouchement, les mauvais traitements et les violences infligés aux femmes qui ont recours aux services de santé sexuelle et procréative constituent de graves violations des droits humains et sont une forme reconnue de violence fondée sur le genre (1). C’est pourquoi ils doivent être examinés dans le contexte des droits humains (et reproductifs) plutôt que sous l’angle de la qualité des soins (2). Bien que toutes les femmes en âge de procréer puissent subir de telles violences, les personnes de la diversité de genre et les femmes issues de communautés marginalisées et racialisées souffrent de manière disproportionnée (3, 4). 

Si la terminologie spécifique est débattue par les professionnels de la santé, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes a adopté l’expression « violences obstétricales » pour désigner tout acte de violence subi par les femmes lorsqu’elles accouchent en établissement de soins, et l’expression « mauvais traitements et violences infligés aux femmes dans les services de santé procréative » pour désigner la violence subie par les femmes lorsqu’elles ont recours à d’autres types de services de santé sexuelle et reproductive (4). 

Le modèle de soins dispensé par une sage-femme est pratiqué par les sages-femmes dans de nombreux contextes, y compris dans les centres d’accouchement dirigés par des sages-femmes et des obstétriciens. Cependant, de nombreuses sages-femmes dispensent des soins d’accouchement en établissement, selon le modèle de soins obstétricaux.  La Philosophie et le modèle de soins de pratique sage-femme de l’ICM repose sur la compréhension des expériences sociales, émotionnelles, culturelles, psychologiques et physiques des femmes (5). C’est pourquoi l’ICM a décidé d’adopter la terminologie utilisée par les organismes de défense des droits humains et les groupes de femmes, et d’utiliser le terme « violences obstétricales » pour désigner les violences subies par les femmes lorsqu’elles accouchent dans des établissements de soins. En effet, ce terme place les expériences, les besoins et les souhaits des femmes au même niveau que ceux des professionnels de santé (6). 

Bien qu’en anglais, le terme « obstetric violence » puisse laisser entendre que les violences obstétricales sont commises par des obstétriciens, dans d’autres langues, ce terme englobe un éventail plus large de professionnels qui fournissent des soins de maternité dans des établissements de santé, y compris les sages-femmes. Comme pour toutes les formes de violences, le seul moyen d’y mettre fin est de les nommer et de les définir, et de remettre en question et d’améliorer la façon dont les systèmes de santé et les prestataires de soins individuels abordent les soins pendant l’accouchement (6). 

 

Qu’entend-on par « violences obstétricales » ? 

Les violences obstétricales font référence aux mauvais traitements subis par les femmes pendant l’accouchement et se présentent sous différentes formes. Elles couvrent la violence physique, la perte de l’autonomie ; le fait de subir une intervention clinique sans consentement éclairé approprié, de se faire crier dessus, gronder, humilier ou menacer et le fait d’être ignorée, de se voir refuser une demande ou de ne recevoir aucune réponse aux demandes d’aide (4). Elles incluent également des pratiques non fondées sur des données probantes comme l’épisiotomie systématique et un accès insuffisant à l’accouchement physiologique (1). Le manque de respect, les mauvais traitements et les violences obstétricales ont un impact sur les femmes et ont été associés au traumatisme de l’accouchement, à la dépression post-partum et au syndrome de stress post-traumatique ; ils ont des conséquences négatives sur la sexualité, entraînent davantage de risques de complications pendant l’accouchement et un manque de confiance dans le système de santé se traduisant par une réticence à avoir recours à des soins médicaux (1). 

 

Les causes des violences obstétricales 

Comme toutes les formes de violences fondées sur le genre, les violences obstétricales sont répandues et généralisées. Elles sont structurelles et intersectorielles, ancrées dans des contextes politiques, sociaux et médicaux, favorisées ou découragées par les conditions de travail, les pressions financières, les hiérarchies professionnelles et les programmes éducatifs (6).  Les violences obstétricales sont liées à des problèmes structurels qui ont généralement un impact sur la fourniture des services de maternité, comme le manque de ressources, de personnel et d’équipements, les mauvaises conditions de travail, et le manque d’orientation et de politiques claires (4). La discrimination à l’égard des femmes joue également un rôle, en particulier les stéréotypes sexistes nuisibles concernant les compétences décisionnelles des femmes, leur rôle dans la société et la maternité (1, 4). Les violences obstétricales sont un problème intersectionnel qui touche de manière disproportionnée les communautés marginalisées et racisées dans tous les contextes, en particulier les femmes noires, autochtones et de couleur, en raison du racisme systémique ancré dans les systèmes de santé (7). 

 

Lutter contre les violences obstétricales 

Les violences obstétricales sont un phénomène complexe et multiforme qui nécessite une approche multidimensionnelle et des contributions de différentes disciplines, y compris des sages-femmes (8). L’ICM a préparé de nombreuses ressources sur la prestation de soins respectueux, adhère à des initiatives sur la mise en œuvre de services de maternité respectueux et intègre les principes des droits humains dans ses normes (9), ses ressources (10) et son travail avec les associations de sages-femmes. L’ICM travaille également avec les parties prenantes et d’autres organisations professionnelles pour participer pleinement à la mise en œuvre des changements nécessaires à l’amélioration de la culture des services de maternité et de santé sexuelle et reproductive (11, 12). 

 

Recommandations 

L’ICM exhorte les responsables politiques à allouer des ressources suffisantes de sorte que les sages-femmes et les autres professionnels de santé puissent fournir des soins de santé maternelle, sexuelle et reproductive accessibles et de qualité.  

L’ICM exhorte les associations de sages-femmes et les responsables politiques à élaborer des politiques et pratiques qui impliquent pleinement les groupes de femmes et les membres d’organisations de la société civile dans les décisions relatives aux services de maternité, notamment la conception, la planification, la mise en œuvre et l’évaluation des soins. Nous exhortons également les associations de sages-femmes à promouvoir le savoir et la diffusion de recommandations sur les soins basés sur des données probantes parmi les élèves et les professionnels. 

L’ICM exhorte tous les décideurs qui travaillent dans des établissements qui fournissent des services de maternité et de soins sexuels et reproductifs, à mettre en place des mesures d’établissement des responsabilités, notamment des mécanismes de dénonciation d’abus pour le personnel et de plaintes et de recours pour les femmes. Une formation continue en matière de soins respectueux devrait être régulière et obligatoire. 

L’ICM exhorte les formateurs de sages-femmes à inclure dans les programmes de formation initiale et continue, des principes relatifs aux droits humains et de prévention des violences obstétricales, des mauvais traitements et des violences faites aux femmes dans les services de soins de santé. 

L’ICM exhorte tous ceux qui dispensent des soins de maternité et ses soins sexuels et reproductifs, y compris les sages-femmes, à veiller à ce que ces soins soient exempts de mauvais traitements et de violences fondées sur le genre, et à ce que les femmes reçoivent des soins dignes et respectueux. Cela implique entre autres d’obtenir un consentement éclairé, de respecter la dignité des femmes et de garantir la confidentialité. 

Documents Associés

Références 

  1. Special Rapporteur on violence against women and girls. Report on a human-rights based approach to mistreatment and obstetric violence during childbirth [Internet]. Ohchr.org. 2019 [cité le 24 octobre 2024]. Disponible ici : https://www.ohchr.org/en/calls-for-input/report-human-rights-based-approach-mistreatment-and-obstetric-violence-during 
  2. Williams CR, Meier BM. Ending the abuse: the human rights implications of obstetric violence and the promise of rights-based policy to realise respectful maternity care. Sex Reprod Health Matters [Internet]. 2019;27(1):1691899. Disponible ici : http://dx.doi.org/10.1080/26410397.2019.1691899 
  3. Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Violences obstétricales et gynécologiques-Résolution 2306 (2019) [Internet]. 2019 [cité le 24 octobre 2024]. Disponible ici : https://pace.coe.int/fr/files/28236/html 
  4. Adoption d’une démarche fondée sur les droits de la personne dans la lutte contre les mauvais traitements et les violences infligés aux femmes dans les services de santé procréative, en particulier les violences commises pendant l’accouchement et les violences obstétricales [Internet]. Juillet 2019. Disponible ici : file:///D:/Downloads/A_74_137-FR%20(3).pdf 
  5. Schantz C, Quattrocchi P, van der Waal R, Villarmea S, Rozée V. Obstetric violence : abuse during childbirth is widespread, but the first step to fighting it is naming it. The Conversation [Internet]. 2 oct 2024 [cité le 24 octobre 2024] ; Disponible ici : http://theconversation.com/obstetric-violence-abuse-during-childbirth-is-widespread-but-the-first-step-to-fighting-it-is-naming-it-235161 
  6. Taylor MA, Glowacki EM. The language of women’s pain: Ideology and critical cultural competencies in pain literacy. Front Commun [Internet]. 2020;5. Disponible ici : http://dx.doi.org/10.3389/fcomm.2020.00036 
  7. Sadler M, Santos MJ, Ruiz-Berdún D, Rojas GL, Skoko E, Gillen P, et al. Moving beyond disrespect and abuse: addressing the structural dimensions of obstetric violence. Reprod Health Matters [Internet]. 2016;24(47):47–55. Disponible ici : http://dx.doi.org/10.1016/j.rhm.2016.04.002
  8.  The health-care professional associations’ response to the honoring women’s demands paper [Internet]. PMNCH ; 2024 [cité le 24 octobre 2024]. Disponible ici : https://internationalmidwives.org/resources/the-health-care-professional-associations-response-to-the-honoring-womens-demands-paper/

 

Ouvrages complémentaires