Passez le micro: Questions et réponses sur la pratique sage-femme et le climat avec Alison Eddy
L’association membre de l’ICM, le New Zealand College of Midwives (le College), est à la pointe des initiatives climatiques pour une pratique sage-femme plus verte.
Sur sa page web, le College dispose d’une section consacrée au changement climatique qui comprend des informations sur la durabilité du climat et les moyens d’agir. La page web fournit également des liens vers des documents et des articles pertinents sur le changement climatique et indique les mesures à suivre par les sages-femmes pour réduire leur empreinte carbone sur le plan personnel et professionnel. Les sujets concernant la manière dont les sages-femmes peuvent aider les femmes et les parents à en savoir plus sur les questions de changement climatique, de durabilité et d’éducation des enfants y sont abordés.
Le College est membre d’Ora Taiao (Conseil néo-zélandais sur le changement climatique et la santé) et signataire de l’appel conjoint à l’action d’Ora Taiao. Celui-ci appelle à une action urgente pour réduire la contribution du secteur de la santé au changement climatique et souligne les bénéfices pour la santé qui sont possibles grâce à une action climatique forte axée sur la santé. Le College a répondu aux consultations gouvernementales et a fait un certain nombre de soumissions liées à la réponse au changement climatique et au projet de loi NZ Zero Carbon Bill.
Le College publie également un magazine trimestriel à l’intention de ses membres, Midwife Aotearoa NZ, qui inclut régulièrement un article sur le changement climatique. Par exemple, les éditions ont publié des articles sur les impacts environnementaux du protoxyde d’azote, les dangers du réchauffement climatique pour les femmes et les bébés, les initiatives de durabilité dans les hôpitaux néo-zélandais et la manière dont la pression pour permettre un changement significatif doit être politique et urgente.
Nous nous sommes entretenus avec la directrice générale du College, Alison Eddy, pour discuter de l’évolution du College vers la sensibilisation au changement climatique.
ICM : Comment le College s’est-il impliqué dans les initiatives de changement climatique ?
A.E. : Le College a d’abord soutenu sa collègue sage-femme, la Dre Lorna Davies, lorsqu’elle a présenté une proposition sur l’impact du changement climatique à l’ICM. Cette position a été adoptée lors de la réunion de l’ICM à Prague en 2014, et réexaminée lors d’une réunion du Conseil en 2021.
Les sages-femmes de NZ ont contribué à de nombreux chapitres de deux livres sur la durabilité, la pratique sage-femme et la naissance, coédités par la Dre Lorna Davies, une autre collègue sage-femme de NZ et maître de conférences Mary Kensington, et la Dre Rea Daellenbach, maître de conférences sage-femme et sociologue de NZ. Comme le précise la description de la première édition de ce livre, « Sustainability, Midwifery and Birth identifie les modèles existants de pratique durable de la pratique sage-femme, tels que le modèle de continuité des soins, et souligne le potentiel de la pratique sage-femme en tant que modèle de prestation de soins de santé judicieux sur le plan écologique ».
Ruth Martis, sage-femme néo-zélandaise, a rédigé un chapitre intitulé « Good Housekeeping in Midwifery Practice » [Bonne organisation interne dans la pratique sage-femme] qui, selon nous, décrit l’approche que le College entend suivre dans le cadre de son action contre le changement climatique. Le chapitre de Carol Bartle, sage-femme néo-zélandaise et analyste politique au College, traitait de l’allaitement maternel et de la durabilité et examinait l’importance des décisions relatives à l’alimentation des nourrissons pour les dégâts climatiques. La deuxième édition de ce livre décrit comment « la durabilité peut être incorporée dans la pratique sage-femme, l’éducation et la recherche ».
Le College est reconnaissant à Lorna pour son travail très important qui a fourni un leadership et une plate-forme solide pour la poursuite du travail afin de soutenir une action significative des sages-femmes. Ces expériences représentent pour le College le début d’une prise de conscience de l’impact du changement climatique et de la contribution potentielle des pratiques et des actions liées à la pratique sage-femme, à la grossesse, à la naissance et à l’alimentation des nourrissons capable de contribuer à l’atténuation des dommages causés par le changement climatique. Le College reconnaît le potentiel de la pratique sage-femme à développer un modèle d’excellence pour l’action climatique et la durabilité.
Nous reconnaissons toutefois qu’il est insuffisant de se concentrer sur la promotion du changement de comportement individuel comme une panacée pour résoudre les problèmes de santé publique. Le problème le plus important est la réponse inadéquate des gouvernements.
ICM : Pourquoi le New Zealand College of Midwives a-t-il décidé de donner la priorité à l’action climatique ?
A.E. : Nous pensons que les sages-femmes peuvent jouer un rôle essentiel en influençant et en plaidant pour le changement social en matière de durabilité et d’environnements sains. Nous restons profondément préoccupés par le nombre croissant de phénomènes météorologiques extrêmes et par les menaces régulières qui pèsent sur l’eau potable et les sources d’aliments durables et nutritifs. Le nombre de catastrophes climatiques naturelles ou provoquées par l’homme est en augmentation et affecte la vie de millions de personnes. Les femmes enceintes, les nourrissons et les jeunes enfants comptent parmi les populations les plus vulnérables et les femmes souffrent déjà d’inégalités, de pauvreté et de marginalisation dans de nombreux environnements.
ICM : Pour vous, que signifie réellement l’expression « action climatique centrée sur la santé » ?
A.E. : Le changement climatique est un problème de santé publique et les politiques de protection de la santé, tant au niveau mondial que national, sont essentielles, attendues et urgentes. Les sages-femmes participent à la pratique de la santé publique et jouent un rôle essentiel en tant que prestataires de soins de santé primaires et secondaires. Une action climatique centrée sur la santé signifie non seulement se concentrer sur la manière dont le système de santé peut agir et prêter attention aux pratiques de soins de santé durables, mais aussi promouvoir l’inclusion de la santé dans l’élaboration de la politique climatique en tant que priorité absolue, car la capacité des systèmes de santé à fournir des soins sera perturbée et les progrès en matière de santé publique seront compromis par le changement climatique. Les avantages sanitaires et économiques d’un air plus pur, d’une alimentation plus saine et de communautés plus actives sont clairs, mais ces avantages ne sont pas encore pris en compte dans de nombreuses politiques climatiques.
La crise climatique affectera la santé des peuples indigènes en raison d’une série de facteurs déjà reconnus, parmi lesquels leur relation avec l’environnement naturel, le déficit socio-économique, les problèmes d’accès à des soins de santé de qualité et la marginalisation politique.[1]
Le changement climatique anthropogénique est intimement lié aux idéologies, systèmes et pratiques du colonialisme, et les impacts de l’urgence climatique pourraient être décrits comme une intensification du processus de colonisation.[2] Dans une soumission au gouvernement en 2021, le College a soutenu les commentaires de la Commission néo-zélandaise sur le changement climatique concernant la nécessité de placer les valeurs de la tikanga Māori[3] au premier plan de la transition pour assurer l’inclusion et l’équité afin d’améliorer le bien-être de tous ceux qui vivent à Aotearoa – maintenant et dans le futur.
Les îles du Pacifique offrent un exemple frappant de la charge disproportionnée que représentent les impacts du changement climatique pour les nations en développement et les populations indigènes. De nombreuses ethnies des nations du Pacifique ont d’importantes communautés vivant en Nouvelle-Zélande. Il existe de nombreux liens et points de contact aux niveaux individuel, communautaire, politique et stratégique entre la Nouvelle-Zélande et le Pacifique. La nécessité urgente de s’attaquer aux effets dévastateurs du changement climatique ne pourrait être plus évidente e part dans le monde que dans le Pacifique. La nécessité de protéger ces nations vulnérables, qui sont nos voisins, nous donne un nouvel élan pour agir.
Le College considère que les déterminants commerciaux de la santé doivent être pris en compte et traités. La reconnaissance de l’influence de l’activité des entreprises sur la santé de la population est bien documentée[4] et il est de plus en plus évident que le pouvoir économique des entreprises a fait échouer, retardé et affaibli les politiques de santé publique.[5] Les pratiques des entreprises qui ont activement travaillé contre les initiatives de santé publique et les défenseurs de la santé freinent également les progrès vers des objectifs climatiques significatifs. Les initiatives de responsabilité sociale des entreprises ont été utilisées comme une stratégie pour « neutraliser l’opposition » et elles ont le potentiel de « pacifier » l’opposition.[6] La sensibilisation et l’analyse des tactiques des entreprises telles que la coercition, qui peut être explicite et visible, et l’apaisement, qui peut être plus subtil, sont très importantes pour informer les efforts de plaidoyer.[7]
Nous pensons que les sages-femmes et les associations de sages-femmes doivent être informées de ces questions et reconnaître les situations de conflit d’intérêts.
ICM : Quel est le lien entre la pratique sage-femme et le climat ? Et entre les soins de santé et le climat ?
A.E. : La contribution potentielle des pratiques et des actions liées à la pratique sage-femme, à la grossesse, à la naissance et à l’alimentation des nourrissons peut contribuer à atténuer les dommages causés par le changement climatique et à améliorer le bien-être des mères et des bébés. L’« empreinte du changement climatique » a été décrite comme commençant avant la naissance d’un bébé, car les femmes enceintes subissent déjà des crises environnementales auxquelles leurs enfants seront exposés après la naissance.[8] Il est prouvé que l’exposition à un environnement qui se détériore, ce qui inclut les effets de la pollution atmosphérique, les maladies liées à la chaleur, la malnutrition, les maladies à transmission vectorielle et les problèmes de santé mentale, a des effets négatifs sur le stress, la santé et le bien-être des mères. Cela peut avoir un effet négatif sur le développement du fœtus et est associé à des résultats négatifs de la grossesse.
L’initiative mondiale « Les 1 000 premiers jours » a pour mission de faire du bien-être des femmes et des enfants au cours des 1 000 premiers jours une priorité. Le College soutient tous les indicateurs clés décrits dans le cadre des « 1 000 premiers jours », qui comprend l’investissement social dans les nourrissons et les enfants, et la déclaration qui attire l’attention sur la nécessité de prendre soin des femmes enceintes et des mères.[9] Sans une action immédiate, courageuse et transformatrice sur le changement climatique, les générations futures subiront des dommages importants. L’équité durable en matière de santé doit être l’objectif de tous les aspects de l’action climatique.
ICM : Quelles sont vos recommandations aux associations de sages-femmes qui souhaitent réduire leur empreinte carbone ? Qu’en est-il des sages-femmes ?
A.E. : L’examen continu des décisions relatives à la manière dont nous utilisons les ressources en tant qu’organisation et l’évaluation des alternatives durables ou à faible émission de carbone sont des activités quotidiennes. Rationaliser l’utilisation des voyages en avion ou des vols, utiliser des connexions virtuelles lorsque cela est possible, réduire l’empreinte carbone en limitant l’utilisation de ressources papier au lieu de ressources virtuelles sont quelques exemples de ce que nous faisons en tant qu’organisation.
Nous commençons à développer plus d’informations sur la façon dont les sages-femmes peuvent réduire leur empreinte carbone. Les ressources seront publiées au fur et à mesure sur notre page web.
ICM : Pouvez-vous recommander des ressources particulières aux sages-femmes et aux associations de sages-femmes pour s’informer sur les soins respectueux du climat et la réduction de leur empreinte carbone ?
A.E. : Notre page web contient déjà quelques liens utiles et nous continuerons à développer d’autres ressources.
[1] Jones, R. (2019). Climate change and Indigenous health promotion. Global Health Promotion, 26(3):73-81.
[2] Jones, R. (2019). Climate change and indigenous health promotion. Global Health Promotion, 26(3):73-81.
[3] Correct procedure, custom, habit, lore, method, manner, rule, way, code, meaning, plan, practice, convention, protocol – the customary system of values and practices that have developed over time and are deeply embedded in the social context. https://maoridictionary.co.nz/search?keywords=tikanga
[4] Maani., N., McKee, M., Petticrew, M., & Galea, S. (2020). Corporate practices and the health of populations: a research and translational agenda. The Lancet, 5:e80-e81.
[5] Mialon, M., Vandevijvere, S., Carriedo-Lutzenkirchen, A., Bero, L., Gomes, F., Petticrew, M., McKee, M., Stuckler, D., & Sacks, G. (2020). Mechanisms for addressing and managing the influence of corporations on public health policy, research and practice: a scoping review. BMJ Open, 10:e034082.doi:10.1136/bmjopen-2019-034082.
[6] Lacy-Nichols, J., & Marten, R. (2021). Power and the commercial determinants of health: ideas for a research agenda. BMJ Global Health, 6;e003850. Doi:10.1136/bmjgh-2020-003850
[7] Ibid.
[8] Pacheco, S. (2020). Catastrophic effects of climate change on children’s health start before birth. The Journal of Clinical Investigation, 130(2):562-564.
[9] The First 1,000 Days. An urgent opportunity: a healthy first 1,000 days for mothers and children everywhere. https://thousanddays.org/the-issues/