#WBW2022 : Q&R avec Hanifatur Rosyidah, conseillère en allaitement et jeune sage-femme leader de l’ICM (YML)
Bio : Hanifatur Rosyidah est une sage-femme indonésienne titulaire d’un Master en santé publique du Royal Tropical Institute d’Amsterdam. Elle travaille comme maître de conférences en pratique sage-femme dans la Sultan Agung Islamic University et est conseillère bénévole pour soutenir les mères qui allaitent.
Son projet avec le programme Young Midwifery Leaders – YML (jeunes sages-femmes leaders) de l’ICM vise à approfondir les connaissances et les compétences des sages-femmes en matière de soutien à l’allaitement dans la période du post-partum immédiat. Elle est convaincue que si toutes les sages-femmes transmettent des informations précises sur l’alimentation des nourrissons, le soutien à l’allaitement pourrait être un moyen rentable d’améliorer la capacité des mères à commencer et à poursuivre l’allaitement avec succès.
Quelle est l’importance de la Semaine mondiale de l’allaitement maternel ? L’allaitement joue-t-il un rôle dans des questions plus vastes et mondiales ? Si oui, quelles questions et comment l’allaitement est-il lié ?
L’objectif de la Semaine mondiale de l’allaitement maternel est de sensibiliser aux nombreux avantages de l’allaitement maternel pour la santé de la mère et de l’enfant, en mettant l’accent sur la bonne nutrition, la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté.
L’ONU a déclaré que « l’allaitement maternel est l’un des investissements les plus judicieux qu’un pays, une communauté et une famille puissent faire ». L’UNICEF a souligné que « l’allaitement maternel est l’un des investissements les plus efficaces – et les plus rentables – qu’un pays puisse faire en faveur de la santé de ses plus jeunes habitants et de la santé future de son économie et de sa société. »
L’allaitement maternel est une première étape importante sur le chemin de la santé future de l’enfant. Il joue également un rôle crucial dans les efforts de développement mondial visant à construire un monde plus sain, plus prospère et plus durable.
L’allaitement maternel est un élément essentiel de l’Agenda 2030 pour le développement durable et est lié à plusieurs des Objectifs de développement durable (ODD).
Les objectifs 1, 8 et 10 visent à mettre fin à la pauvreté, à promouvoir la croissance économique et à réduire les inégalités. L’investissement en faveur de l’allaitement maternel pourrait permettre de réaliser des gains économiques de 300 milliards de dollars US sur 10 ans, grâce à la diminution des maladies et des dépenses de santé ainsi qu’à une plus grande productivité.
Les objectifs 2 et 3 concernent la faim, la santé et le bien-être. L’allaitement maternel est une source d’alimentation cruciale qui peut sauver la vie de 520 000 enfants de moins de cinq ans, en plus d’améliorer la santé des mères et des enfants. Il prévient la diarrhée et la pneumonie, deux des principales causes de décès des nourrissons, et protège également les mères contre le cancer de l’ovaire et du sein, deux causes principales de décès chez les femmes.
L’objectif 4 concerne l’éducation. Le lait maternel contient plusieurs composants qui favorisent le développement cognitif, en particulier chez les nourrissons prématurés. L’allaitement maternel est associé à une augmentation de 3-5 points (IC 95 % 1.9-5.0) aux tests d’intelligence à l’enfance et à l’adolescence.
L’objectif 5 est centré sur l’égalité des genres. L’allaitement maternel est lié à d’importants problèmes d’égalité, tels que l’espacement des naissances et les droits sur le lieu de travail.
L’objectif 12 s’attaque à la consommation durable. Le lait maternel est produit sans avoir recours à l’industrie et a un faible impact sur l’environnement, lors de sa fabrication et de sa consommation. Ce fait peut être lié à la réalisation de l’ODD 13 qui vise à réduire les effets du changement climatique.
Comment s’est développé votre intérêt professionnel pour le soutien à l’allaitement ?
Soutenir l’allaitement maternel est la responsabilité de tous. Les acteurs, le gouvernement, le monde universitaire, le personnel de santé, les parents, la famille, l’employeur et la communauté ont un rôle à jouer pour parvenir à un allaitement maternel optimal. Une approche multisectorielle est nécessaire pour concevoir et mettre en œuvre des politiques appropriées et des programmes innovants qui protègent, favorisent et soutiennent l’allaitement. Le gouvernement a un rôle à jouer pour limiter la commercialisation des substituts du lait maternel et pour créer des environnements favorables à l’allaitement. Par exemple, les employeurs, les transports publics et les établissements publics devraient prévoir des sièges et des emplacements spéciaux pour que les mères allaitantes puissent nourrir leur bébé ou tirer leur lait, en particulier sur les lieux de travail. Le gouvernement doit également veiller à ce que tous les agents de santé aient une bonne compréhension et les compétences nécessaires pour soutenir l’allaitement. Les parents et la famille doivent être responsabilisés en ce qui concerne la pratique de l’allaitement.
En tant qu’enseignante, j’ai la responsabilité de renforcer la capacité des étudiants sages-femmes à promouvoir et à soutenir l’allaitement, de mener des études sur les questions d’allaitement maternel, de former la communauté de soutien à l’allaitement et d’assurer la promotion de la santé pour garantir une pratique optimale de l’allaitement.
Qu’espérez-vous voir naître de l’exécution de votre projet YML ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le projet ?
Mon projet YML vise à renforcer la capacité des sages-femmes à promouvoir et à soutenir l’allaitement maternel. De plus, nous formerons les sages-femmes à l’utilisation de cartes mémoires Breastfeeding Flash Card (BFC), un média innovant qui aidera les sages-femmes à dispenser une éducation à l’allaitement à la mère et à la famille. Nous surveillerons la mise en œuvre de la pratique sage-femme pour soutenir l’allaitement dans les établissements de santé. Nous espérons que ce projet aura un impact sur les connaissances et les compétences des sages-femmes, ainsi que sur l’auto-efficacité en matière d’allaitement maternel (BSE) chez les mères et sur l’augmentation du taux d’allaitement exclusif. Enfin, nous organiserons une réunion de plaidoyer avec les acteurs concernés pour promouvoir ce projet pilote et nous espérons qu’il sera durable.
Pourquoi les mères ont-elles besoin d’un soutien pour l’allaitement ?
L’allaitement maternel n’est pas facile. Sa mise en œuvre nécessite un engagement, un soutien et des efforts. Certaines mères peuvent rencontrer des difficultés, d’autres peuvent arrêter d’allaiter. Cela est dû au manque d’information, à une mauvaise perception et à la promotion massive des substituts du lait maternel. Récemment, l’OMS et l’UNICEF ont lancé l’étude du rapport examinant l’impact de la commercialisation du lait maternel sur les décisions et les pratiques d’alimentation des nourrissons. Cette étude se fonde sur les expériences de plus de 8500 femmes et de plus de 300 professionnels de santé dans huit pays (Bangladesh, Chine, Mexique, Maroc, Nigeria, Afrique du Sud, Royaume-Uni et Viet Nam). Elle a révélé que les professionnels de santé sont un canal clé de la commercialisation du lait maternisé. Les professionnels de santé ont dit avoir reçu des commissions sur les ventes, des fonds pour la recherche, des cadeaux promotionnels, des échantillons de produits laitiers pour nourrissons et de préparations spécialisées ou des invitations à des séminaires, conférences et événements. Ils ont la responsabilité de fournir une éducation à l’allaitement, mais ils font la promotion du lait maternisé.
Quel est le rôle des sages-femmes dans le soutien à l’allaitement ?
Il a été prouvé que le soutien des sages-femmes à l’allaitement a un impact sur les expériences d’allaitement des femmes. Les sages-femmes ont un rôle central dans le soutien à l’allaitement maternel pendant les soins prénatals, immédiatement après l’accouchement et également pendant les soins postnatals. L’OMS recommande 7 contacts pour l’éducation à l’allaitement, à savoir à 28 semaines de grossesse, à 36 semaines de grossesse, à l’accouchement, dans les 24 heures qui suivent l’accouchement, dans les 7 jours qui suivent l’accouchement, dans les 2 semaines qui suivent l’accouchement et jusqu’au 39e jour du post-partum.
De quoi les sages-femmes ont-elles besoin pour mieux soutenir l’allaitement des mères dans la période du post-partum immédiat ?
La Confédération internationale des sages-femmes (ICM) a publié les compétences essentielles pour la pratique sage-femme en 2019. Ce document énonce très clairement l’ensemble minimal de connaissances, d’aptitudes et de comportements professionnels, notamment les compétences requises pour promouvoir et soutenir l’allaitement maternel.
Les sages-femmes doivent avoir une connaissance suffisante de la physiologie de la lactation ; les besoins nutritionnels des nourrissons, y compris les nourrissons de faible poids de naissance ; les aspects sociaux, psychologiques et culturels de l’allaitement maternel ; les preuves des avantages de l’allaitement, les indications et les contre-indications de l’utilisation de médicaments et de substances pendant l’allaitement ; ainsi que la sensibilisation aux aides à l’allaitement.
Les sages-femmes doivent avoir les compétences et le comportement nécessaires pour promouvoir l’allaitement maternel précoce et exclusif tout en respectant le choix de la femme concernant l’alimentation du nouveau-né ; fournir des informations sur les besoins du nourrisson, la fréquence et la durée des tétées, et la prise de poids ; fournir un soutien et des informations sur l’allaitement maternel pendant au moins six mois, notamment en ce qui concerne la combinaison avec le travail, le maintien de la production de lait et la conservation du lait maternel ; identifier et gérer les problèmes liés à l’allaitement (par exemple : mammite, faible production de lait, engorgement, mauvaise prise du sein) ; fournir des informations aux femmes qui allaitent plusieurs nouveau-nés ; orienter les femmes vers un soutien à l’allaitement, comme indiqué ; et défendre l’allaitement maternel dans la famille et la communauté.
Que peut faire notre communauté mondiale de sages-femmes pour mieux se former au soutien à l’allaitement ?
L’allaitement maternel présente d’énormes avantages sanitaires et économiques pour les bébés, les mères et les communautés. Le soutien compétent à l’allaitement par les sages-femmes contribue à prévenir les infections et la mortalité infantiles. La communauté des sages-femmes doit s’assurer que les sages-femmes ont suffisamment de connaissances, de compétences et un comportement leur permettant de promouvoir et de soutenir l’allaitement maternel conformément aux compétences minimales de l’ICM, par le biais de l’éducation, de la formation ou du renforcement des capacités. Une association de sages-femmes doit également encourager les écoles de sages-femmes à former leurs étudiants avec un programme qui suit les compétences minimales de l’ICM. Une association de sages-femmes devrait renforcer les efforts nationaux pour protéger, promouvoir et soutenir l’allaitement maternel, et plaider en faveur de l’Initiative Hôpital Ami des Bébés (IHAB). Ces actions d’éducation et d’encouragement en faveur de l’allaitement ne réussiront pas sans une réglementation qui garantisse que les sages-femmes connaissent toutes leurs responsabilités en vertu du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel de l’OMS. Par conséquent, une association de sages-femmes doit élaborer une politique qui réglemente l’influence des entreprises de lait en poudre qui font des sages-femmes une cible commerciale.