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Une journée dans la vie de Jeffthanie Mathurin, jeune sage-femme leader et coordinatrice de la communication numérique de l’ICM 

ICM
16 août 2024

Jeffthanie Mathurin ne savait pas grand-chose de la pratique sage-femme lorsqu’elle a envisagé pour la première fois d’en faire son métier. En Haïti, la pratique sage-femme représente une profession relativement récente et, comme beaucoup, Jeffthanie avait pour objectif initial de devenir médecin, mais elle n’a pas été sélectionnée pour l’école de médecine et son chemin a pris une tournure inattendue. Inspirée par sa sœur aînée, l’une des premières diplômées du programme inaugural avec formation directe en pratique sage-femme en Haïti, Jeffthanie s’est inscrite pour étudier la pratique sage-femme et a été admise. 

Dès le départ, Jeffthanie a reconnu la noblesse de la pratique sage-femme et le défi d’en faire une profession respectée en Haïti. Malgré les difficultés comme un financement limité, une école située dans une zone dangereuse et un soutien minimal, elle a persévéré, déterminée à terminer ses études. 

En Haïti, pour obtenir le titre de sage-femme, il faut rédiger un mémoire – une étape que beaucoup ont eu du mal à franchir, faute de conseils. Jeffthanie était déterminée à surmonter cette difficulté et, en 2020, elle est devenue la première sage-femme diplômée en Haïti, tout en terminant son stage et en exerçant comme sage-femme. 

En 2019, déterminée à combler le fossé entre les infirmières sages-femmes et les sages-femmes issues de formation directe, Jeffthanie a rejoint l’Association des Sages-Femmes d’Haiti. Son dévouement l’a amenée à présenter sa candidature à un poste au sein du conseil d’administration de l’association et, en 2021, elle est devenue la première sage-femme membre au conseil d’administration. 

La même année, Jeffthanie a participé au congrès triennal virtuel de l’ICM, où sa passion pour la pratique sage-femme s’est approfondie. Inspirée par cette expérience, elle a reconnu l’importance de l’anglais pour l’engagement international et a amélioré ses compétences linguistiques. Forte de cette nouvelle confiance, elle a posé sa candidature et a été acceptée dans le programme des jeunes sages-femmes leaders (Young Midwife Leaders, YML). 

Après une rencontre avec la responsable de la communication de l’ICM lors d’une conférence au Danemark à laquelle participaient les YML, Jeffthanie a été encouragée à poser sa candidature pour un poste à l’ICM. Elle a réussi et travaille maintenant comme coordinatrice de la communication numérique de l’ICM, tout en poursuivant ses efforts pour élever le niveau de la pratique sage-femme en Haïti. 

 

 

 

 

 

 

Découvrez une journée de son quotidien : 

Je me réveille vers 6 h ou 6 h 30 et je commence ma journée par une prière. Ensuite, je consulte mes courriels et je prépare le petit-déjeuner pour mon mari et moi-même. Mes matinées sont généralement remplies de réunions – trois à quatre par jour – et au moins une par semaine est consacrée à mon travail avec l’Association des Sages-Femmes d’Haiti. En ce moment, nous travaillons à la création d’un programme YML en Haïti, ce qui occupe une bonne partie de mes journées. 

Après quelques réunions, je passe en revue nos réseaux sociaux et m’assure que tout est en ordre. Ensuite, je prépare le déjeuner et j’en emballe une partie pour que mon mari l’emporte au travail le lendemain. 

Ma vie a tellement changé. Lorsque je travaillais à l’hôpital, je faisais des gardes de 24 heures deux jours par semaine et le reste du temps, je pouvais me consacrer librement à l’association. Aujourd’hui, je dois concilier toutes mes responsabilités et effectuer mon travail associatif à distance. J’espère que cela servira d’exemple à d’autres sages-femmes et montrera qu’il est toujours possible de contribuer à la profession depuis chez soi. 

L’un de mes moments préférés dans mon travail est la rencontre avec les autres membres de l’équipe de plaidoyer et de communication de l’ICM – ils forment une véritable famille, unie par un objectif commun. J’apprécie nos discussions où la contribution de chacun est reconnue. Cela me rappelle que la pratique sage-femme permet aux femmes de faire des choix éclairés concernant leurs soins, ce qui reflète notre approche collaborative. 

Le soir, il m’arrive de rendre visite à ma sœur et à ses enfants. Ma famille est très fière de ce que je fais et me soutient. Je prends également du temps pour moi, que ce soit pour me faire les ongles, me coiffer ou faire de l’exercice pour rester en bonne santé. J’aime regarder la télévision tout en coordonnant le travail de l’association – le travail multitâche est essentiel! 

De temps en temps, je suis invitée à participer à des panels sur divers sujets. Ces occasions me permettent de me rester au courant de l’évolution dans le secteur de la pratique sage-femme et je consacre souvent une partie de mon temps libre à les préparer. 

Je suis également formatrice en soins maternels respectueux. J’organise de manière périodique une session de formation de quatre jours pour les sages-femmes, et parfois même pour les médecins. 

À 20 heures, je commence à ralentir. Je prépare un dîner léger, ce qui est facile puisque mon mari se contente souvent d’un fruit. 

Mes journées sont sur le point de changer à nouveau, car j’ai été acceptée dans un programme de master à distance en santé maternelle mondiale (Global Maternal Health) à la City University de Londres. Je suis ravie d’avoir cette possibilité, c’est une étape nécessaire pour faire avancer ma carrière. Le master me fournira les outils dont j’ai besoin pour faire progresser la profession et aider à la réglementer. 

À l’avenir, je me vois travailler comme sage-femme au niveau international ou au sein du ministère de la Santé, afin d’aider la profession et notre école de sages-femmes en Haïti à se développer et à prospérer. Nous devons élever le niveau de nos sages-femmes et de notre formation, renforcer nos compétences et nous impliquer davantage dans la vie politique afin de faire évoluer les politiques en matière de santé maternelle en Haiti. 

Récemment, notre école de sages-femmes a été incendiée pendant la crise politique et nous ne savons pas ce qui va suivre. Je rêve de faire partie des personnes qui aideront à la reconstruire, à l’améliorer pour que la profession de sage-femme devienne encore plus forte et plus autonome en Haïti. Mes frères m’encouragent à quitter Haïti, mais je ne veux pas. Je crois que les choses vont s’améliorer et je veux vraiment faire partie de ce changement. 

Je resterai à jamais reconnaissante à l’ICM, au programme YML et à tous mes collègues. Ils m’ont aidée à arriver là où je suis aujourd’hui et m’ont donné la plateforme pour croire que les jeunes sages-femmes peuvent être des leaders. L’avenir de la pratique sage-femme est entre nos mains et toutes les jeunes sages-femmes méritent de se sentir aussi autonomes que moi.