Soins d’avortement complets dispensés par les sages-femmes

Contexte
La prise en charge des avortements, qu’ils soient provoqués ou spontanés, est nécessaire aussi bien pour les avortements manqués, que les pertes de grossesse ou les morts fœtales intra-utérines. Les sages-femmes jouent un rôle majeur dans la fourniture de soins d’avortement sûrs et de qualité et offrent divers services : évaluations avant l’avortement, informations sur les différents traitements possibles, orientation, avortements médicamenteux et chirurgicaux, et soins post-avortement et contraceptifs (1-3).
La fourniture de services de soins d’avortement complets et sûrs est essentielle pour la santé sexuelle et reproductive (SSR) des femmes, des filles et des personnes de la diversité sexuelle et de genre. Selon les estimations mondiales, 61 % des grossesses non désirées se terminent par un avortement, ce qui représente 39 avortements pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans, soit 73,3 millions d’avortements par an (4), dont 45 % sont des avortements non sécurisés (5).
Des études ont révélé que la fréquence des avortements non sécurisés est plus élevée dans les pays où des politiques restrictives sur l’avortement, la stigmatisation et l’absence de couverture sanitaire universelle entravent l’accès des femmes à des soins d’avortement complets (2, 4, 6). La pénalisation de l’avortement n’entraîne pas une diminution du nombre de femmes qui y ont recours, mais elle réduit considérablement l’accès aux services d’avortement sécurisés (2,4). Les complications associées à l’avortement représentent 8 % de tous les décès maternels (7) et une survivante d’avortement non sécurisé sur quatre souffre de problèmes de santé à long terme, notamment de lésions des organes internes, de stérilité et de traumatismes psychologiques (6). Étant donné que les mauvaises classifications et la sous-déclaration des causes de décès maternels constituent un défi permanent à l’échelle mondiale (7), ces statistiques sous-estiment probablement la véritable charge de mortalité et de morbidité associée à l’avortement, et en particulier aux avortements non sécurisés pratiqués par des professionnels de la santé non qualifiés.
L’accès à des soins d’avortement sécurisés réduit considérablement la mortalité et la morbidité maternelles et constitue un droit sexuel et reproductif ancré dans le droit international relatif aux droits humains (2). Les États sont tenus de prendre une série de mesures pour protéger les femmes contre les avortements dangereux, et ont notamment un devoir de libéralisation des politiques restrictives et de veiller à ce que la femme ait rapidement accès à des soins de qualité si elle en fait la demande (2).
Une mesure importante pour améliorer l’accès à ces services est de supprimer les restrictions imposées aux prestataires de soins et d’optimiser les effectifs, afin de permettre aux sages-femmes de fournir des soins complets en matière d’avortement conformément aux Compétences essentielles pour la pratique du métier de sage-femme de l’ICM (3) et les Lignes directrices sur les soins liés à l’avortement de l’OMS (2). La prestation de services doit adopter des approches dynamiques et prévoir plusieurs voies d’accès aux soins, y compris le soutien d’interventions d’auto-prise en charge qui ont le potentiel d’accroître l’accès aux services et d’améliorer l’autonomie et la santé des femmes (2,8). L’auto-prise en charge de l’avortement* réduit les obstacles relatifs aux déplacements, à la stigmatisation et aux préoccupations concernant la vie privée (2,9). L’auto-prise en charge de la contraception post-avortement** peut améliorer l’utilisation continue de la contraception (2).
Pendant les crises, les sages-femmes sont souvent les seules professionnelles de la santé disponibles pour répondre aux besoins en matière de SSRMNA et doivent donc avoir les compétences nécessaires pour fournir des soins d’avortement complets à toutes les femmes et les personnes de la diversité sexuelle et de genre qui en font la demande.
Dans les pays qui stigmatisent, restreignent ou pénalisent l’avortement, les sages-femmes et les autres personnes qui fournissent des informations, des services et des produits liés à l’avortement ou en facilitent l’accès sont souvent confrontées à des comportements hostiles, des agressions physiques ou verbales, des menaces, des calomnies et des tentatives d’intimidation. Certaines personnes font l’objet de procédures judiciaires, d’enquêtes et d’arrestations arbitraires (10).
Position
Une femme souhaitant bénéficier de services liés à l’avortement a le droit d’être soignée par une sage-femme. Les soins dispensés doivent être respectueux et adaptés aux besoins de la femme ; ils doivent préserver le droit de la femme à être informée sur les traitements possibles, le droit de consentir aux interventions ou de les refuser et le droit à la dignité. L’ICM soutient les sages-femmes qui travaillent sur l’ensemble de leur champ de compétences en tant que prestataires de services complets en matière d’avortement, conformément aux Compétences essentielles pour la pratique du métier de sage-femme (3) et aux Lignes directrices sur les soins liés à l’avortement de l’OMS (2).
Les sages-femmes qui fournissent des informations, des services et des produits liés à l’avortement ont le droit d’exercer leur activité sans subir de préjudice physique ou psychologique, ou craindre un tel préjudice, et doivent être protégées par leur employeur et par les systèmes juridiques et de santé.
*L’auto-prise en charge de l’avortement comprend un ou plusieurs des éléments suivants : l’auto-évaluation de l’admissibilité à l’avortement médicamenteux, l’auto-administration de médicaments sans la supervision directe d’un agent de santé et l’auto-évaluation de la réussite du processus d’avortement (< de 12 semaines).
**L’auto-prise en charge de la contraception peut inclure l’accès à la contraception orale sans ordonnance et l’auto-administration de contraceptifs injectables
Recommandations
L’ICM exhorte les responsables politiques à cesser de criminaliser les professionnels de la santé qui facilitent ou fournissent une médiation ou des services en matière d’avortement, ou qui aident les personnes à la recherche d’informations ou de services d’avortement complets.
L’ICM exhorte tous les responsables politiques et les décideurs qui travaillent dans des établissements qui fournissent des services de maternité et de soins sexuels et reproductifs, à :
- Veiller à ce que les lois et les politiques comprennent des mesures qui protègent le droit au travail et le droit à la vie privée des sages-femmes qui fournissent des informations et des services complets en matière d’avortement.
- Optimiser les effectifs de sages-femmes pour leur permettre d’exercer sur l’ensemble de leur champ de compétences conformément aux Compétences essentielles pour la pratique du métier de sage-femme, avec des systèmes d’orientation appropriés en cas de complications.
- Veiller à ce que des informations factuelles et fondées sur les droits en matière de contraception et de soins d’avortement complets soient facilement accessibles.
L’ICM encourage vivement les associations de sages-femmes à prôner :
- La légalisation de l’avortement là où il est criminalisé, y compris la suppression des sanctions à l’encontre des femmes, des personnels soignants et des accompagnateurs.
- La formation initiale et le développement professionnel continu des sages-femmes pour garantir que ces dernières disposent des connaissances et des capacités techniques nécessaires pour fournir des soins complets et sûrs en matière d’avortement.
- La mise en place de services offrant tout l’éventail des méthodes complètes de soins en matière d’avortement, conformément aux recommandations de l’OMS, y compris l’auto-prise en charge de l’avortement.
- Un meilleur accès aux médicaments et aux fournitures essentiels pour les soins complets en matière d’avortement et les services de contraception.
- Des services d’avortement accessibles en temps opportun, qui soutiennent le droit des femmes à des soins d’avortement fournis par des sages-femmes dans tous les contextes pertinents.
- Une collaboration interprofessionnelle entre les sages-femmes et les gynécologues-obstétriciens pour améliorer l’accès aux soins de santé et l’acceptabilité des services par les utilisateurs.
L’ICM encourage également vivement les décideurs et les associations de sages-femmes à lutter contre :
- La stigmatisation de la sexualité et à assurer un accès équitable aux contraceptifs.
- La stigmatisation qui entoure les grossesses et les avortements involontaires ou non planifiés et son impact sur la capacité des femmes à rechercher, trouver et recevoir des services de soins d’avortement complets.
- L’impact de l’objection de conscience des prestataires de soins de santé sur les services d’avortement, en veillant à ce que l’accès aux soins ne soit pas compromis ou entravé par le manque d’accès aux professionnels de santé.
- La violence fondée sur le genre, ses liens avec les grossesses non désirées ou non planifiées et son impact sur le bien-être physique, psychologique et culturel des femmes, des filles et des personnes de la diversité sexuelle et de genre.
L’ICM encourage vivement les sages-femmes à :
- Reconnaître que les soins d’avortement complets font partie de la pratique de la sage-femme dans le cadre des lois et politiques locales.
- Reconnaître le droit de la femme à décider d’avorter sans être obligée de suivre un soutien psychologique, de se soumettre à une période d’attente ou d’obtenir l’autorisation d’un tiers.
- Fournir des soins fondés sur les droits humains et centrés sur la femme, permettant une prise de décision éclairée adaptée aux besoins de la femme.
- Si nécessaire, orienter les femmes vers d’autres traitements en dehors de la pratique de la sage-femme.
- Offrir un soutien émotionnel, psychologique et social si nécessaire.
- Garantir le respect de la vie privée et la confidentialité, et lutter contre la stigmatisation touchant les questions de santé sexuelle et reproductive.
- Soutenir et encourager les collègues qui fournissent des soins d’avortement complets.
En veillant à ce que les sages-femmes soient convenablement formées, en plaidant pour des réformes juridiques et en s’attaquant aux problèmes systémiques tels que la stigmatisation et l’objection de conscience, les associations membres peuvent améliorer l’accès à des soins d’avortement sûrs, efficaces et respectueux pour les femmes, les filles et les personnes de la diversité sexuelle et de genre.
Documents connexes
References
- Fullerton J, Butler MM, Aman C, Reid T, Dowler M. Abortion-related care and the role of the midwife: a global perspective. Int J Womens Health. 23 nov 2018;10:751-762. doi: 10.2147/IJWH.S178601. PMID: 30538585; PMCID: PMC6260173.
- Lignes directrices sur les soins liés à l’avortement. Genève : Organisation mondiale de la Santé, 2022. Licence : CC BY-NC-SA 3.0 IGO.
- Confédération internationale des sages-femmes. Compétences essentielles pour la pratique du métier de sage-femme. 2024. Compétences essentielles pour la pratique du métier de sage-femme | Confédération internationale des sages-femmes
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- Cresswell JA, Alexander M, Chong MYC, Link HM, Pejchinovska M, Gazeley U, Ahmed SMA, Chou D, Moller AB, Simpson D, Alkema L, Villanueva G, Sguassero Y, Tunçalp Ö, Long Q, Xiao S, Say L. Global and regional causes of maternal deaths 2009-20: a WHO systematic analysis. Lancet Glob Health. 7 mars 2025:S2214-109X(24)00560-6. doi: 10.1016/S2214-109X(24)00560-6. Epub avant publication. PMID: 40064189.
- OMS>Interventions d’auto-prise en charge. https://www.who.int/fr/health-topics/self-care#tab=tab_1
- Projet d’autogestion de l’avortement de la FIGO : Projet FIGO. https://www.figo.org/fr/ce-que-nous-faisons/programmes-de-la-figo/projet-dautogestion-de-lavortement
- Amnesty International. Principes et mesures clés visant à protéger les prestataires de soins d’avortement en leur qualité de défenseur·e·s des droits humains. 2024. Principes et mesures clés visant à protéger les prestataires de soins d’avortement en leur qualité de défenseur·e·s des droits humains – Amnesty International
Adopté à la réunion du Conseil de Glasgow, 2008
Révisé et adopté à la réunion du Conseil de Prague, 2014
Révisé et adopté à la réunion virtuelle du Conseil, 2025
Prochaine révision prévue en : 2028
Traductions supplémentaires / Traduções Adicionais
Les documents et ressources de l’ICM sont officiellement disponibles dans nos trois langues de travail : l’anglais, l’espagnol et le français. Dans le cadre de l’initiative Collaborate for Women, Abortion and Contraception Care Together, cette ressource a été traduite en portugais. Il ne s’agit pas d’une traduction officielle de l’ICM, et l’ICM ne peut être tenue responsable de l’exactitude de cette traduction.
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