Droits de l’homme, Plaidoyer

Les tendances mondiales s’opposent à l’autonomie reproductive des femmes

ICM
10 septembre 2025

La santé et les droits sexuels et reproductifs sont de plus en plus menacés. L’administration Trump aux États-Unis a restreint le dialogue et l’accès à la contraception et à l’avortement sans risque, déclenchant une réaction en chaîne planétaire. Une tendance troublante se dessine : d’autres gouvernements et organisations internationales emboîtent le pas en limitant le financement et se dérobent au langage des droits reproductifs.

 

La suppression des financements pour les SDSR – L’impact et les conséquences à l’échelle mondiale

L’administration Trump a supervisé le démantèlement de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), retiré 500 millions de dollars de financement mondial de la santé et mis fin à toutes les contributions américaines au Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), l’agence des Nations Unies pour la santé sexuelle et reproductive. Cette situation se traduit par une déstabilisation des initiatives mondiales en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs (SDSR), ébranlant les progrès vers l’égalité de genre, mettant en péril le Programme 2030 pour la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies.

La suspension de la contraception, des soins d’avortement complets et des programmes de santé reproductive a privé environ 130390 femmes d’accès aux services de contraception chaque jour, soit 47,6 millions de femmes par an. Cet écart devrait entraîner 17,1 millions de grossesses non désirées et 34 000 décès maternels évitables. L’impact sera ressenti le plus durement par les femmes dans les contextes humanitaires, où le besoin de contraception est souvent négligé et où surviennent plus de 60 % des décès maternels.

Aggravant encore la crise, la résiliation des contrats de l’USAID et du Programme mondial de la chaîne d’approvisionnement sanitaire – qui a desservi plus de 40 pays – a entraîné l’accumulation en Belgique d’un stock de contraceptifs d’une valeur de 9,7 millions de Dollars, notamment des dispositifs intra-utérins (DIU), des implants et des pilules. En juillet 2025, il a été décidé de détruire ces fournitures pour un coût de 167000 USD. Ceci, même si les produits vitaux étaient déjà payés par les contribuables américains et malgré les multiples tentatives faites par les organisations humanitaires internationales, les gouvernements et les acteurs de la santé mondiale pour acheter et redistribuer les fournitures (au moment de la rédaction du présent rapport, nous ne savons pas si l’incinération du stock avait commencé). Ces actions montrent clairement la détermination du président américain actuel à rompre avec les normes internationales établies en matière de droits de la personne, en les remplaçant par un programme ouvertement hostile à la santé et aux droits sexuels et reproductifs.

Réduire les coûts ou contrôler la rhétorique?

Les données probantes montrent que les services de contraception permettent de réaliser des économies en réduisant les grossesses non désirées. La modélisation réalisée en 2020 a révélé qu’un dollar supplémentaire dépensé en services de planification familiale dans les pays à revenu faible et intermédiaire, permet d’économiser 3 dollars sur le coût des soins maternels, néonatals et des soins d’avortement complets. L’UNFPA a décrit le programme mondial de renforcement des systèmes de santé et de prévention des grossesses non désirées, des avortements non médicalisés et des décès maternels en répondant aux besoins des femmes en matière d’accès aux contraceptifs modernes comme « un travail de “meilleure dépense” en développement, un investissement rentable qui génère des retours positifs sur plusieurs générations ».

Même si les États-Unis étaient le plus grand donateur bilatéral au financement mondial de la santé, ce coût représente moins de 1 % du budget du pays. Les coupes ont été décrites comme une « économie négligeable pour les États-Unis, mais une perte dévastatrice pour le monde ». Les politiques économiques façonnent l’autonomie reproductive. Les récentes coupes dans le financement de la santé mondiale ont un impact disproportionné sur l’accès des femmes aux services de reproduction. Ces mesures sont justifiées en tant que responsabilité fiscale, mais reflètent en fait des choix politiques plus profonds sur les besoins qui comptent, préfigurant un avenir imminent où la santé et les droits reproductifs, en particulier ceux des femmes, auront de moins en moins d’importance.

La propagation des politiques régressives

Le gouvernement américain actuel a rétabli et renforcé des politiques régressives et conservatrices qui favorisent un programme qui a un impact mondial. Le rétablissement de la « règle du bâillon mondial » en janvier 2025 en est un des exemples. La règle interdit aux organisations qui reçoivent une aide étrangère des États-Unis de fournir, de recommander ou de préconiser des services d’avortement en utilisant tout financement, y compris de l’argent provenant de sources non américaines, même dans les pays où l’avortement fait partie intégrante des soins de santé. Cela crée de la confusion et réduit l’accès aux services essentiels de contraception et de soins d’avortement, interfère dans la relation patient-santé professionnelle et fait taire les défenseurs des SDSR.

En janvier 2024 le gouvernement américain, dirigé par le président Trump, a invoqué un autre élément de politique – l’amendement Kemp-Kasten qui restreint le financement aux organisations qui soutiennent ou participent à la gestion d’un programme d’avortement coercitif ou de stérilisation involontaire. Développé à l’origine dans les années 1980 en réponse aux préoccupations suscitées par les politiques démographiques coercitives de la Chine, l’amendement Kemp-Kasten a été utilisé au cours de 19 des 40 derniers exercices, de manière récurente par les gouvernements républicains, pour priver l’UNFPA de financement. L’UNFPA affirme que les allégations de promotion de l’avortement ou de la stérilisation involontaire sont infondées et ont été réfutées à plusieurs reprises, notamment par le gouvernement américain lui-même.

Le précédent du gouvernement Trump a incité plusieurs autres pays donateurs à réduire, ou à planifier des réductions de la planification familiale internationale, mettant encore plus en danger les SDSR à l’échelle mondiale. Cela reflète un changement de normes autour de l’autonomie reproductive des femmes, une acceptation tacite de la rhétorique anti-droits et un affaiblissement de la coopération internationale. Les associations membres de l’ICM décrivent l’impact des restrictions imposées aux femmes en tant que bénéficiaires de soins et en tant que prestataires. Elles décrivent également l’impact des coupes budgétaires sur les services fournis par les sages-femmes et destinés à réduire la morbidité et la mortalité maternelles, en particulier dans les contextes humanitaires et fragiles.

Le contrôle patriarcal et normes de genre

L’autonomie reproductive des femmes concerne le pouvoir, qui le détient, qui contrôle les corps et quelles voix façonnent les lois et les normes. Au cœur de la réaction mondiale contre les droits des femmes, en particulier les SDSR, se trouve le contrôle patriarcal sur le corps des femmes. Les sociétés accordent depuis longtemps la priorité aux fonctions reproductives des femmes et à leur rôle de mère et de soignante par rapport à leur autonomie, le conservatisme culturel étant à l’origine d’une grande partie de l’opposition aux droits reproductifs. Des doctrines sélectionnées dans de nombreuses croyances différentes sont utilisées pour promouvoir le mariage hétérosexuel, les rôles de genre distincts, la domination masculine et la modestie féminine, en contradiction avec les principes des SDSR tels que l’égalité de genre et l’autonomie sexuelle. L’éducation sexuelle est perçue comme encourageant la promiscuité, et la contraception ou l’avortement considérés moralement inacceptables et comme une menace pour les valeurs morales ou l’identité nationale.

Les défenseurs de la restriction de la liberté de reproduction définissent souvent leur position comme protégeant la vie ou les valeurs familiales, mais les grossesses forcées, le déni de contraception et la criminalisation de l’avortement sont des formes de coercition reproductive. Qu’elles soient imposées par les partenaires, les familles ou les communautés, ces pratiques visent à contrôler plutôt qu’à autonomiser les femmes et devraient être reconnues comme des violences fondées sur le genre.

 

Les inégalités intersectionnelles

Les restrictions à l’autonomie reproductive ne sont pas vécues de la même manière et les tensions entre les approches de genre et de sexualité ont également un impact significatif sur les droits et libertés des personnes LGBTQ+, des femmes de couleur, des femmes en situation de handicap et de celles qui vivent dans la pauvreté, qui sont toutes confrontées à des obstacles aggravés pour accéder aux services de SDSR.

La justice reproductive est essentielle pour lutter contre la dynamique spécifique au genre qui contrôle la vie reproductive des personnes. Elle est basée sur une analyse intersectionnelle de la façon dont des facteurs tels que la race, l’âge, la classe, le statut économique, le genre et l’orientation sexuelle se combinent pour perturber les expériences et les possibilités. Protéger les personnes les plus touchées par les normes restrictives en matière de reproduction est essentiel pour parvenir à la justice et à la liberté pour tous.

Égalité des genres et développement durable

Les changements dans les normes mondiales en matière de SDSR, combinés aux réductions de financement, aux fermetures de programmes et à la perte de fournitures médicales vitales, constituent un revers majeur pour les SDSR et l’autonomie reproductive des femmes. Ces politiques ne sont pas neutres ; elles reflètent des idéologies politiques et des visions du monde qui cherchent à limiter l’action des femmes et à renforcer les hiérarchies traditionnelles. Les conséquences à long terme porteront atteinte à la santé des femmes, à l’égalité des genres et au développement durable.

Les gouvernements doivent aller au-delà des normes patriarcales centrées sur les hommes et créer les conditions permettant aux femmes d’exercer pleinement leur autonomie reproductive. Cela signifie remettre en question les stéréotypes de genre sur la sexualité des femmes et leur position dans la famille et la société et éliminer les obstacles juridiques et pratiques aux services de santé reproductive. Cela peut être réalisé de manière respectueuse envers les diverses croyances culturelles et religieuses à condition qu’elles ne portent pas atteinte aux SDSR indiviuels, et en respectant les croyances culturelles et religieuses tant qu’elles ne portent pas atteinte aux SDSR individuels.

La Confédération internationale des sages-femmes (ICM) affirme que les gouvernements, les partenaires de mise en œuvre et les donateurs doivent avoir le courage de résister aux politiques restrictives en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs (SDSR) et de continuer à financer des initiatives mondiales en matière de santé, en veillant à ce que les femmes du monde entier puissent accéder à des services complets de santé sexuelle et reproductive.

L’ICM plaide fermement pour la poursuite des efforts fournis par les sages-femmes, les associations de sages-femmes, les décideurs régionaux et nationaux et la communauté mondiale de la santé pour éliminer toutes les formes de violence fondée sur le genre, y compris la coercition en matière de procréation, à autonomiser les femmes en leur fournissant des informations et une éducation, en leur assurant un accès illimité à la contraception et à des services de soins d’avortement complets basés sur le consentement libre et éclairé, la protection du droit à la vie privée, la confidentialité et la fourniture d’un soutien et de services adéquats pour assurer des résultats positifs en matière de procréation.