Le rôle des sages-femmes dans la prévention de la résistance aux antimicrobiens

Contexte
La résistance aux antimicrobiens (RAM) représente une menace grave et croissante pour la santé publique dans le monde et plus particulièrement pour les femmes, les filles, les personnes de la diversité sexuelle et de genre et les nouveau-nés. Elle survient lorsque les bactéries, les champignons et les virus s’adaptent au cours du temps et ne répondent plus aux médicaments antimicrobiens, rendant le traitement des infections moins efficace, la septicémie plus difficile à éviter et la mort plus probable (1).
On estime à 1,27 million le nombre de décès dans le monde dus à des infections bactériennes liées à la RAM, le fardeau de ces maladies étant supporté par les pays à revenu faible ou intermédiaire, en raison notamment de la fragilité des systèmes de santé, de l’utilisation excessive d’antibiotiques dans l’agriculture et en médecine et du manque d’accès à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène (WASH) (1). Ces infections ont toutes un impact négatif sur les femmes, les services de santé sexuelle, reproductive, maternelle, du nouveau-né et de l’adolescent (SSRMNA) et les sages-femmes.
Au niveau mondial, les infections sont la cinquième cause principale de décès maternels et elles sont à l’origine d’au moins 252 000 décès maternels par an (2). Ces estimations n’incluent pas les décès dus à d’autres complications infectieuses dans le continuum de la SSRMNA, y compris les infections post-avortement ou postnatales, le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et les maladies transmissibles telles que le paludisme. Les infections maternelles (comme la syphilis) sont également responsables de 1,9 million de mortinaissances par an, soit plus de la moitié de l’ensemble des mortinaissances dans le monde (3). On estime que plus de 3,9 millions de nouveau-nés développent une septicémie chaque année, le taux de mortalité atteignant 18 %. L’impact de la RAM peut être catastrophique pour les nouveau-nés (4).
Compte tenu de la gravité du problème, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a élaboré un plan d’action mondial sur la résistance aux antimicrobiens (5), dont la mise en œuvre par les systèmes de santé est soutenue par l’Approche axée sur les personnes pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens dans le secteur de la santé humaine (6). Cet énoncé de position énonce la position de l’ICM sur le rôle des sages-femmes dans la lutte contre les risques posés par la RAM pour la santé publique.
Position
L’ICM reconnaît la menace immédiate et grave que représente la RAM pour la santé des femmes et des nouveau-nés.
L’ICM encourage vivement les sages-femmes à prendre toutes les mesures nécessaires, pour prévenir, diagnostiquer et traiter les infections dans tous les environnements de soins.
L’ICM soutient les actions mondiales, régionales et nationales visant à lutter contre la RAM et encourage les sages-femmes et les associations membres à participer à ces efforts.
Recommandations
En s’appuyant sur les différents domaines définis par l’Approche axée sur les personnes pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens dans le secteur de la santé humaine de l’OMS (6,7), l’ICM exhorte les associations membres à plaider en faveur de :
Gouvernance efficace, sensibilisation et éducation
- Inclure la RAM, WASH, la prévention et le contrôle des infections (PCI) et la gestion des antimicrobiens dans les programmes de formation initiale et continue des sages-femmes (3).
Prévention
- Le rôle de la sage-femme en tant qu’éducatrice pour fournir aux femmes et à leurs familles des recommandations sur l’importance de la PCI, y compris sur l’hygiène des mains et les signes d’infection, et les inciter à bien suivre les traitements antimicrobiens pour prévenir la résistance aux antimicrobiens, y compris le traitement antirétroviral pour le VIH (3, 7).
- Le rôle des sages-femmes dans l’éducation des femmes en matière de santé et d’hygiène menstruelles, en veillant à ce que l’absence de WASH ou de produits menstruels ne contribue pas à la propagation d’infections résistantes aux médicaments (7).
- Le rôle des sages-femmes dans l’éducation sur l’importance de la vaccination dans la prévention des infections, qui peuvent nécessiter un traitement antimicrobien, et dans l’administration des vaccins aux femmes et aux nouveau-nés (7).
- Le rôle des sages-femmes dans la prévention, le dépistage et le traitement des infections sexuellement transmissibles (IST), afin de réduire le développement des IST dues à la résistance aux antimicrobiens (3, 7).
- Encourager le contact immédiat et permanent peau à peau et l’allaitement, qui jouent un rôle essentiel dans le développement d’un microbiome et d’un système immunitaire sains chez les nouveau-nés, améliorant ainsi leur immunité contre les infections, y compris les souches résistantes aux médicaments.
- La disponibilité de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène (WASH), y compris la gestion des déchets au niveau de la communauté, du lieu d’accouchement et de l’établissement de santé, afin de prévenir les infections et la contamination de l’environnement par des agents antimicrobiens (3, 7).
- La disponibilité et l’utilisation d’équipements de protection individuelle (EPI) et de vaccins appropriés pour protéger les sages-femmes, les femmes et leurs nouveau-nés contre les infections résistantes aux médicaments (7).
Accès aux services de santé essentiels
- Le rôle des sages-femmes dans le plaidoyer pour un accès équitable des femmes et des filles à la couverture sanitaire universelle (CSU), qui comprend des traitements antimicrobiens, des programmes de vaccination et des services de prévention des infections appropriés et fournis en temps utile (3, 7).
Diagnostic rapide et précis
- Le rôle des sages-femmes dans le diagnostic de l’infection et de la septicémie, y compris la collecte d’échantillons, l’interprétation des résultats dans le cadre de leur champ de compétences et l’orientation vers d’autres personnels de santé, le cas échéant, y compris des microbiologistes (3, 7).
- Les services de SSRMNA doivent avoir accès aux équipements et aux produits nécessaires pour utiliser les outils de diagnostic, y compris pouvoir accéder aux laboratoires (3, 7).
Traitement approprié et de qualité garantie
- Les services de SSRMNA doivent avoir accès à des médicaments antimicrobiens de qualité conservés dans la chaîne du froid (7).
- L’utilisation judicieuse des antimicrobiens consiste notamment à éviter les prescriptions inutiles d’antibiotiques, lorsque la prescription relève du champ de compétences d’une sage-femme (3, 7).
Informations stratégiques grâce à la surveillance et la recherche
- Le rôle des sages-femmes dans la collecte de données sur la résistance aux antimicrobiens, y compris les efforts de surveillance pour contrôler la propagation des infections résistantes ; le partage de ces informations avec les autorités sanitaires pour guider les stratégies de santé publique (3, 7).
- Le rôle des sages-femmes en tant que chercheurs, qui étudient l’impact de la RAM sur la SSRMNA (7).
Références
- Murray, C., Ikuta, KS., Sharara, F., Swetschinski, L., Aguilar, GR., Gray, A. et al. Global burden of bacterial antimicrobial resistance in 2019: a systematic analysis. The Lancet. (2022). 399(10325), p629-655. Disponible ici : https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(18)32594-7/fulltext
- Cresswell, JA., Alexander, M., Chong, MYC., Link, H., Pejchinovska, M., Gazeley, U. et al. Global and regional causes of maternal deaths 2009-20: a WHO systematic analysis. Lancet Global Health. (2025). Epub avant publication PMID: 40064189. Disponible ici : https://www.thelancet.com/journals/langlo/article/PIIS2214-109X(24)00560-6/fulltext
- UNFPA. (2024). Policy Brief: The Hidden Threat: How Antimicrobial Resistance Undermines Sexual, Maternal, and Newborn Health. New York (USA) : UNFPA. Disponible ici : https://www.unfpa.org/resources/policy-brief-hidden-threat-how-antimicrobial-resistance-undermines-sexual-maternal-and
- OMS. (2020). Global Report on the Epidemiology and Burden of Sepsis: Current evidence, identifying gaps and future directions. Genève (CH) : OMS. Disponible ici : https://www.who.int/publications/i/item/9789240010789
- OMS. (2016). Plan d’action mondial pour combattre la résistance aux antimicrobiens. Genève (CH) : OMS. Disponible ici : https://iris.who.int/bitstream/handle/10665/249548/9789242509762-fre.pdf?sequence=1
- OMS. (2023). Approche axée sur les personnes pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens dans le secteur de la santé humaine : ensemble d’interventions essentielles de l’OMS à l’appui des plans d’action nationaux. Genève (CH) : OMS. Disponible ici : https://iris.who.int/bitstream/handle/10665/376974/9789240086883-fre.pdf?sequence=1
- OMS. (2024). Addressing gender inequalities in national action plans on antimicrobial resistance: Guidance to complement the people-centred approach. Genève (CH) : OMS. Disponible ici : https://www.who.int/publications/i/item/9789240097278
Adopté à la réunion du Conseil de Toronto, 2017
Révisé et adopté à la réunion virtuelle du Conseil, 2025
Prochaine révision prévue en 2028
© 2025 par la Confédération Internationale des Sages-Femmes.
Les informations détaillées sur les droits d’auteur sont disponibles ici.
Citation suggérée : Le rôle des sages-femmes dans la prévention de la résistance aux antimicrobiens. La Haye : Confédération Internationale des Sages-Femmes, 2025.