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Deux cents ans après la création du premier centre de formation de sages-femmes dans la région amérique

ICM
7 octobre 2025

*Au Pérou, on appelle les sages-femmes professionnelles « obstetras ». L’obstétrique fait référence à la profession de sage-femme. 

Cet article, rédigé par le comité professionnel régional de l’ICM pour la région Amérique, rappelle l’histoire de la pratique sage-femme au Pérou, qui remonte à l’époque précolombienne. À cette époque, des femmes aidaient déjà les mères à accoucher, des plantes médicinales étaient utilisées pour soulager la douleur et la maternité faisait l’objet de croyances traditionnelles. Avec la colonisation, ces pratiques souvent non encadrées ont persisté, entraînant des risques majeurs pour les mères et les nouveau-nés. C’est seulement après l’indépendance du Pérou que l’État a commencé à réglementer les soins de santé maternelle.


Création de l’Escuela Profesional de Obstetricia de la Universidad Nacional Mayor de San Marcos [École professionnelle de sages-femmes de l’Université nationale de San Marcos] (UNMSM) 

Le 10 octobre 1826, le maréchal Andrés de Santa Cruz, président de la République du Pérou, a promulgué le décret suprême n° 110 créant la première maternité (aujourd’hui Instituto Materno Perinatal [Institut maternel périnatal] et la première école de sages-femmes (aujourd’hui École professionnelle de sages-femmes de l’UNMSM). 

L’UNMSM, la plus ancienne école d’Amérique, également connue sous le nom de Decana de América [Université de Lima], célèbre cette année son 474e anniversaire.   

La création de ces deux établissements, il y a 199 ans, a marqué un tournant décisif dans l’histoire de la pratique sage-femme au Pérou et dans la région Amérique, en créant un hôpital doté d’une école intégrée où l’on enseignait aux sages-femmes comment prendre en charge les femmes enceintes et leurs nouveau-nés. 

Madame Fessel, première directrice  

La première directrice de ces deux établissements fut la sage-femme française Benoîte Cadeau-Fessel, diplômée de la Maternité de Port-Royal à Paris avec mention « Médaille d’or », la plus haute distinction décernée par cet établissement.  

Madame Fessel était dotée d’une grande sensibilité et désirait aider les femmes lors du plus beau moment de leur vie : la naissance de leur enfant. Elle était convaincue que la meilleure contribution qu’elle pouvait apporter était de former des sages-femmes instruites, distinguées et dotées de connaissances scientifiques, comme elle le dit dans l’un de ses livres. C’est pourquoi elle décida de quitter l’Europe et de se rendre au Pérou, où elle vécut pendant dix ans. Elle y jeta les bases d’une profession scientifique et hautement humaniste et d’un modèle éducatif qui s’inspirait des maternités et des écoles européennes.   

Au fil des ans, l’École des sages-femmes est devenue la première École professionnelle de sages-femmes de l’école de médecine de l’UNMSM. 

Formation universitaire des sages-femmes 

Le 9 septembre 1856, sous le gouvernement provisoire de Ramón Castilla, le Département d’obstétrique a été officiellement intégré à la faculté de médecine de l’université nationale de San Marcos, avec pour mission d’enseigner « les soins généraux et postnatals dispensés aux femmes enceintes, aux femmes accouchées et à leurs nouveau-nés ». Cette date a été ratifiée par la résolution rectorale n° 01035-R-2019 du 27 février 2019. C’est ainsi que le Dr Cayetano Heredia a entamé son mandat de doyen de la Faculté de médecine, couvrant trois écoles professionnelles : Médecine, Obstétrique (pratique sage-femme) et Pharmacie. La formation des sages-femmes a été institutionnalisée et la formation universitaire des sages-femmes est devenue officielle.  

Actuellement, les sages-femmes diplômées possèdent les compétences suivantes :  

  1. Compétences générales : leadership, travail d’équipe, communication orale et écrite, et recherche basée sur une pensée critique et créative. Résolution de problèmes, gestion de l’apprentissage et raisonnement éthique. 
  2. Compétences spécifiques : sciences fondamentales, gestion des services, santé publique et responsabilité sociale et civique. 
  3. Compétences de spécialisation : fournir des soins complets aux femmes avant la conception, pendant la conception (grossesse, accouchement et soins immédiats aux nouveau-nés pendant l’accouchement) et pendant la période postnatale ; fournir des soins de santé sexuelle et reproductive tout au long de la vie aux femmes, à leurs partenaires, à leur famille et à leur communauté, en s’appuyant sur une approche fondée sur les droits humains, le genre et l’interculturalité, en participant activement avec l’équipe soignante au diagnostic et à la prise en charge et en agissant en tant que point de référence pertinent pour les complications obstétriques, dans le respect des normes de qualité, du respect de la vie et de la dignité humaine. 

La formation universitaire des sages-femmes a continué d’évoluer. En 2024, un programme d’études axé sur les compétences a été mis à jour. Ce programme exige un nombre plus important d’heures de pratique clinique à tous les niveaux des soins de santé, de la recherche, de la responsabilité sociale et de la santé sexuelle et reproductive. Il met l’accent sur la réduction de la mortalité infantile, les pratiques communautaires adaptées à la réalité interculturelle et sur une approche fondée sur les droits en matière de santé et de genre.  

Le Pérou compte aujourd’hui 34 universités qui forment des sages-femmes à la pratique clinique et communautaire, à la santé publique, à la gestion, à la recherche et à l’enseignement dans les secteurs public et privé. 

Le 15 juillet 1975, le décret-loi n° 21210 a créé le Colegio de Obstetras del Perú [Collège péruvien des sages-femmes], doté d’une personnalité juridique propre, pour représenter les sages-femmes sur tout le territoire ; l’inscription au Collège des sages-femmes est une condition indispensable à l’exercice de la profession.  

La carrière de sage-femme dans la région Amérique 

Chaque pays a une chronologie différente bien qu’ils aient tous des similitudes avec le Pérou, comme l’influence des modèles européens dans la formation des sages-femmes et l’organisation des maternités ; la promulgation de lois régissant leur profil professionnel et leurs compétences pour pouvoir exercer en tant que sage-femme, non seulement en ce qui concerne les soins à l’accouchement, les soins aux nouveau-nés et les complications néonatales, mais aussi les soins complets de santé sexuelle et reproductive des femmes, des adolescentes et de leurs familles. 

La profession de sage-femme a été institutionnalisée dans plusieurs pays d’Amérique latine au cours du XIXe siècle ou dans les premières décennies du XXe siècle, comme ce fut le cas au Pérou. Par exemple, des écoles de sages-femmes ont été créées, entre autres au Chili, en Argentine, en Équateur, en Uruguay, au Paraguay et au Brésil. 

Engagements pour l’avenir 

À l’approche du bicentenaire de notre profession, notre École professionnelle des sages-femmes s’efforce de tenir les engagements suivants : veiller à ce que toutes les femmes, y compris les populations autochtones, les communautés andines et amazoniennes, aient accès à des sages-femmes qualifiées, sur la base d’une approche interculturelle ; encourager la formation et la recherche tout au long de la vie ; adopter pleinement les droits humains, l’égalité et les approches interculturelles à tous les niveaux de soins ; faire bon usage de la technologie, comme la télémédecine et l’intelligence artificielle ; favoriser les connexions intersectorielles et interprofessionnelles ; plaider en faveur de la formulation de politiques publiques visant à promouvoir la santé des femmes et participer à leur mise en œuvre et à leur supervision ; et enfin, plus particulièrement, défendre les femmes en âge de procréer, les mères et les nouveau-nés. 

Quelques réflexions finales 

Cent quatre-vingt-dix-neuf ans plus tard, nous continuons à nourrir la flamme de ce 10 octobre 1826. L’École professionnelle des sages-femmes de San Marcos n’est pas uniquement une institution presque bicentenaire. C’est aussi un centre de formation, une référence pour la qualité de son enseignement, comme en témoignent ses diplômés, puisque l’école a formé des leaders dans les différents domaines de la profession de sage-femme ; elle est aussi une référence en matière d’éthique et un agent du changement. 

En tant que sages-femmes. nous nous remémorons le chemin parcouru, les sacrifices, les succès et toutes les femmes et les familles qui nous ont accordé leur confiance. Aujourd’hui, nous nous engageons à nous améliorer chaque jour afin de devenir plus humaines, plus inclusives et plus compétentes. Nous envisageons l’avenir avec optimisme, car la mission entreprise par Madame Fessel il y a presque deux siècles continue à travers chaque nouvelle naissance, chaque vie que nous accompagnons, chaque femme qui se sent entendue et soutenue, et chaque femme qui se sent protégée.  

Références bibliographiques  
  • Rabí Chara, Miguel. Historia de la Medicina Peruana. Tomo V: El Hospital de Maternidad de Lima y la Escuela de Obstetrices del Perú (1826-1836). 1ª ed. Lima: Grahuer Editores; 2004. 
  • Ministerio de Salud – IDREH. Formación y Regulación de los Recursos Humanos en Salud. 1ª ed. Lima: Serie de Recursos Humanos en Salud Nº 4; 2005. 
  • Hidalgo Infantas, Violeta. Obstetricia en dos siglos. 1ª ed. Lima; 2004.